Tendances Première

Les trois mécanismes qui font vivre la rumeur

Tendances Première: Les Tribus

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Bruno Humbeeck, psychopédagogue et auteur de nombreux ouvrages sur l’éducation et la résilience, analyse le mécanisme de la rumeur. Pourquoi nous intéresse-t-elle ? Comment ne pas y céder ?

C’est souvent dans les cafés que se propagent les rumeurs, observe Bruno Humbeeck. "C’est le propre de l’homme de parler et d’échanger, même s’il n’est pas toujours certain et convaincu de la vérité de ce qu’il échange."

Or, la rumeur peut créer beaucoup de dégâts. Elle avilit autant celui qui la propage que celui qui lui réserve un trop bon accueil, affirme Bruno Humbeeck.

"La société est saturée d’informations. Finalement, on ne fait pas nécessairement le tri dans ce que l’on reçoit, parce qu’on n’est plus en mesure de le faire. Mais surtout, on va réserver un très bon accueil à tout ce qui frappe, à tout ce qui cogne, à tout ce qui exagère et à tout ce qui est consonant avec nos manières de penser le monde. Et donc forcément, on est tous complices du mouvement réalisé autour d’une rumeur et de son grossissement."

© Getty Images

Comment fonctionne la rumeur ?

Pour comprendre le mécanisme de la rumeur, il faut comprendre comment fonctionne notre cerveau.

Le cerveau humain manifeste une tendance à la réduction de l’information. Si on vous raconte une histoire dans laquelle il y a 100 détails, lorsque vous la restituerez une première fois, vous en donnerez 75. La seconde fois, vous en reprendrez 50 et par la suite seulement 34. Il y a une réduction de la quantité de détails que vous retenez et que vous transmettez ou jugez digne d’être transmis.

Par ailleurs, il y a tendance à l’exagération : on va appuyer sur les sujets qui sont les plus spectaculaires et susceptibles de retenir l’attention.

Enfin, il y a tendance à l’assimilation : il faut que ce soit compatible avec nos valeurs et notre vision du monde, pour nous le rendre mieux compréhensible.

On voit ces trois mécanismes se mettre en place notamment dans les cafés et les rumeurs se propager à la vitesse V-V'.

Des infos réductrices et clivantes

Sur les réseaux sociaux, les fausses informations ont plus de succès que la vérité. Un slogan va être plus facile à diffuser qu’un texte long, argumenté, nuancé. C’est lié à ces 3 mécanismes qui fonctionnent en permanence, explique Bruno Humbeeck. La communication est extrêmement rapide et réduite, particulièrement sur Whatsapp ou Twitter.

"C’est souvent réducteur, présenté sous forme de slogan, et clivant. Le but du jeu est de demander : est-ce que vous êtes pour ou contre ? […] Ce principe-là, finalement, fait que vouloir trop vite assimiler à une position clivée l’information que l’on reçoit, nous invite aussi à la réduire très fort."

La presse en ligne entre aussi dans ce schéma, en choisissant des titres qui attirent l’attention, en publiant des articles qui ne doivent pas être trop détaillés sous peine d’être lénifiants et où chacun peut retrouver sa vision du monde. C’est ainsi qu’elle multiplie la diffusion de rumeurs.

Comment s’en prémunir ?

Or, la seule façon de stopper une rumeur, c’est de ne pas s’y intéresser. On peut reprocher à la presse ou à une personne de faire naître une rumeur, mais on est tous complices lorsqu’on s’y intéresse, qu’on l’interroge et qu’ainsi on la fait vivre.

L’idéal est d’avoir recours au triple filtre de Socrate :

  • est-ce que ce que tu vas me dire est vrai ?
  • est-ce que c’est bien de me le dire ?
  • est-ce que ça va me servir à quelque chose de le savoir ?

Et puis aussi, de parler moins mais parler mieux, y compris dans les médias. Laisser beaucoup de temps au silence, pour pouvoir analyser réellement ce que l’on reçoit comme information.

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