"Si l’activité est déficitaire, pourquoi continuent-ils à l’exercer ?", questionne Georges-Louis Bouchez à l’adresse des organisations syndicales.
"Je pense qu’ils gardent la gestion du chômage pour des raisons historiques, analyse Jean Faniel. Les syndicats ont toujours assumé cette tâche, ils y tiennent. Ensuite, parce que les syndicats pourraient craindre que, si on leur retire la gestion de l’assurance chômage, ce serait pour la supprimer complètement, comme le demandent parfois les partis flamands, et non pour l’attribuer à un autre organisme. Pour les syndicats, il y a toujours l’enjeu, comme dans les années 1900, du maintien du niveau de rémunération moyen qui reste à un certain niveau grâce à l’existence de l’assurance chômage, donc ils veulent la préserver."
Les trois organisations ont à peu près le même discours sur cette question. "On le fait pour nos affiliés", affirment-ils tous les trois. "La plupart des demandeurs d’emploi sont au chômage entre deux emplois et ils étaient affiliés chez nous avant d’être au chômage, relève Olivier Valentin de la CGSLB. Et puis un demandeur d’emploi doit aussi parfois être formé et poussé vers un emploi et cela fait partie de nos missions. Enfin, il arrive qu’un travailleur qui perd son emploi n’ait pas tous les documents en ordre de son précédent employeur et donc on l’accompagne dans ces démarches. Donc il est logique qu’on intervienne pendant cette période de chômage."
Pour les organisations syndicales, s’occuper du chômage permet, comme le suggère Jean Faniel, de continuer à défendre le système d’allocation en cas de chômage. "S’occuper du chômage nous permet de garder une légitimité sur ces questions-là lorsqu’on est amené à se positionner sur l’avenir de la sécurité sociale, pointe Thierry Bodson. Le fait de traiter ces cas, de rencontrer les chômeurs nous donne un "know-how"."
Nous devrions plutôt fonctionner sur base du coût-vérité
Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC
Les organisations syndicales sont en tout cas contre la proposition de transférer la gestion des allocations de chômage à un institut public. Et si tel était le cas, ils ne croient pas à des économies possibles, loin de là. Le calcul d’un tel scénario est probablement impossible, mais Thierry Bodson le tente. "Sur les 7,25 millions de cas de chômage, 86% sont actuellement pris en charge par les syndicats, soit 6,2 millions de cas. Chaque cas coûte 21€ de plus, cela veut dire 130 millions d’euros à charge de l’Etat en plus chaque année, auxquels il faut ajouter les premières années de nombreux investissements en termes d’infrastructures, de bâtiments."
Ce calcul rapide est impossible à vérifier. Mais il ne tient pas compte du coût des dossiers qui n’aboutissent pas à un paiement et des paiements erronés qui sont pour l’instant deux coûts pris en charge par les organisations syndicales.
Non seulement les syndicats souhaitent garder cette gestion, mais en plus ils souhaiteraient voir cette activité financée à son juste coût. "Nous pensons que nous devrions plutôt fonctionner sur base du coût-vérité, comme cela se fait pour les assurances maladies ou les allocations familiales, plutôt que d’avoir une vision idéologique des choses. Une formule de calcul mise au point dans les années 90 ne correspond plus aujourd’hui", dénonce Marie-Hélène Ska.
La tendance politique n’est pourtant pas au refinancement des organismes de paiement par les pouvoirs publics. En 2012, le gouvernement Di Rupo a "imposé une économie de 5,5 millions d’euros aux organismes de paiement privés à partir de l’exercice 2013", nous indiquait l’Onem.
Plus philosophiquement et politiquement, Jean Faniel pointe en réalité une volonté chez les libéraux, ou avant eux, la N-VA et le Vlaams Belang, de réduire globalement l’influence des syndicats dans le rapport de force politique.