Nous l’appellerons Marc, il habite un appartement à proximité de la porte Louise, en face du palais de justice. Depuis sa terrasse, impossible d’échapper aux sirènes des véhicules d’urgence qui circulent à toute allure, sur le boulevard en contrebas. De véritables nuisances sonores, selon lui, qui impactent son quartier, de jour comme de nuit. "Bien entendu, il y a les interventions urgentes qui justifient l’utilisation de l’avertisseur sonore, mais pourquoi aussi fort et sur une ligne droite quand la route est dégagée. Je n’ai jamais entendu cela dans d’autres grandes villes, ni à Berlin, ni à Genève, ni à Londres". L’explication résiderait, selon lui, dans l’interprétation même de la notion d’urgence. Alors, justement, qu’est-ce qui définit l’urgence et donc l’utilisation des sirènes ?
En Belgique, la notion d’urgence n’est pas clairement définie
Marie-Anne Swartenbroekx est juriste chez IEB (Inter-Environnement Bruxelles). "De nombreux services utilisent des sirènes : la police, les ambulances, les pompiers mais aussi le transport de détenus ou de personnalités, les véhicules d’interventions d’urgence de la Stib, d’Infrabel, de Vivaqua etc.".
Le Code de la route prévoit bien les conditions d’utilisation de l’avertisseur sonore. Il ne peut être déclenché que si le véhicule accomplit une mission urgente. Une circulaire du ministère de l’intérieur précise en outre que le retour à la caserne ou au garage ne constitue pas une mission urgente.
Sauf que, à l’exception des interventions du SIAMU, rien n’explique ce qu’est une urgence et dans quelles conditions on peut l’invoquer. Un constat que partage Marie Poupé, elle est responsable du département Bruit chez Bruxelles environnement. "En Belgique, contrairement à d’autres pays, il n’existe pas de définition de l’urgence. Il est donc difficile de vérifier (et donc de contester) l’utilisation de la sirène. Or c’est au fédéral et pas aux Régions qu’il revient de préciser ce qu’est une urgence.
Bruxelles voudrait donc encadrer le volume des sirènes
Les sirènes d’urgence sont la troisième source de nuisances sonores identifiées par les Bruxellois, après le bruit du trafic routier et celui du trafic aérien. C’est donc peu dire qu’il est urgent de s’en soucier. Alors à défaut de pouvoir en limiter le nombre, la Région espère à présent limiter la puissance de ces sirènes. "On pourrait dire que les sirènes sont limitées à cent décibels en journée et leur volume pourrait encore être inférieur pendant la nuit", explique Marie Poupé. "Nous sommes en contact avec des fournisseurs et par ailleurs, nous étudions aussi avec les hôpitaux ou les casernes, la possibilité de couper les sirènes lorsque le véhicule arrive à proximité des habitations du quartier. Mais c’est chaque fois du cas par cas".
La pandémie aurait exacerbé l’impact des sirènes
Malgré l’adoption en 2019, d’un troisième "Plan Bruit" par la région bruxelloise, les Bruxellois n’ont pas encore l’impression d’un réel changement. Ils seraient même de plus en plus nombreux à se plaindre d’un sommeil perturbé par les sirènes. Et cela n’étonne pas Marie-Anne Swartenbroekx, qui y voit aussi un effet indirect de la pandémie. "Avec le couvre-feu et la fermeture de l’horeca, les rues sont plus calmes et les sirènes d’autant plus perturbantes. Le sommeil est de mauvaise qualité et c’est la santé qui trinque".