Friends, The Office, Breaking Bad...: les séries emblématiques des années 2000 sont-elles indétrônables ?

Friends

© HBO, AMC, Warner

Après 17 ans d’absence, Monica, Chandler, Ross, Joey, Phoebe et Rachel sont de retour. Pour le plus grand plaisir des fans, cette bande de "Friends", ou amis en français, apparaîtra dans un épisode inédit intitulé "The Reunion" ce jeudi 27 mai sur HBO Max. Comme la plateforme n’est pas encore disponible en Europe, une version française suivra dans la foulée et sera diffusée sur TF1 et donc accessible aussi en Belgique mais aucune date n’a encore été communiquée.

Diffusée pour la première fois le 22 septembre 1994, cette sitcom emblématique du petit écran continue de drainer les fans. Pour les satisfaire, Warner Bros a décidé de réunir à nouveau la joyeuse bande dans un épisode unique mis en boîte en avril 2021 et regroupant tous les acteurs de la série originelle. Annoncé pour la première fois en 2019, le tournage de ces retrouvailles a été reporté à deux reprises à cause de la pandémie de coronavirus.

FRIENDS: LA RÉUNION Bande Annonce (2021)

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Céline Dejoie, journaliste culturelle spécialisée dans les séries et fan de la première heure de Friends ne cache pas son appréhension quant à ce retour annoncé à coups d’invités prestigieux et qui surfe sur la nostalgie. "J’ai un peu peur, déjà parce que ça a traîné longtemps avant d’arriver et puis on sait qu’il y a de gros enjeux financiers derrière ce retour. C’est aussi interpellant que parmi les invités, les producteurs n’aient pas pris le parti d’inclure un minimum de diversité, on sait par exemple qu’il n’y aura que des blancs alors que c’était un reproche qui était déjà adressé à la série à l’époque."

Des ingrédients "simples" qui battent tous les records

C’est certain, ce 237e épisode titillera la curiosité de nombreux fans qui ont suivi – ou pas – les dix saisons de la série de la NBC, aussi massivement diffusée en Europe. Pour rappel, l’épisode final programmé le 6 mai 2004 aux États-Unis avait attiré 52,2 millions de téléspectateurs, battant tous les records d’audience de l’époque pour une série.

La journaliste voit dans le succès de Friends les ressorts de la simplicité des séries les plus basiques. "Déjà, c’est un univers qui n’est pas du tout réaliste, ils vivent dans un appartement qu’ils ne sauraient pas du tout se payer dans la vie réelle avec les jobs qu’ils ont, s’amuse-t-elle. Même si la série a abordé des sujets très sérieux, ça a toujours été avec une forme de légèreté. Dans Friends, jamais rien n’est vraiment dramatique, tous les drames de la vie passent assez rapidement." Mais la diversité des personnages est aussi un ingrédient du phénomène : "Ils sont tellement différents qu’on peut tous se retrouver dans l’un ou l’autre."

Et le succès ne s’est pas arrêté net une fois le rideau tombé sur la sitcom des années 90. Jusqu’à aujourd’hui, elle continue de générer des revenus annuels estimés à 1 milliard de dollars pour les studios Warner. En cause : les diffusions à la télévision, les ventes des DVD et Blu-ray de l’intégrale des épisodes, les produits dérivés mais aussi le rachat des droits de diffusion par Netflix en janvier 2015.


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Des droits qui ont rapporté gros à la société de production de la série puisque rien que pour l’année 2019, le géant du streaming a dû débourser 100 millions de dollars, selon le Wall Street Journal. Un investissement qui pourrait bien valoir la chandelle puisque la même année, la série s’est hissée à la seconde place des séries les plus regardées sur la plateforme avant d’être supprimée de l’offre de Netflix en 2021.

Un mode de diffusion "social"

Durant tout juste 10 ans, les téléspectateurs se sont émus des déboires amoureux et amicaux de la joyeuse bande du Central Perk, ce café de Manhattan où ils se réunissaient. Mariages gâchés, ruptures douloureuses, rencontres amoureuses, recherche de job, chaque semaine apportait son lot de rebondissements dans la vie des six protagonistes, devant le regard médusé du public toujours au rendez-vous à chaque fois que retentissait "I’ll be there for you".

Et si ce mode de diffusion a laissé place à un visionnage toujours plus frénétique, il a aussi valu à des séries comme How I Met Your Mother, The Office ou plus récemment, Breaking Bad de se hisser au panthéon des séries les plus visionnées au monde. Le dévoilement au compte-gouttes est-il le sel qui a contribué à l’explosion du succès mondial de Friends ? "En diffusant un ou plusieurs épisodes chaque semaine, les chaînes de télévision créaient à la fois l’attente, le suspense et le lien social", répond Louis Wiart, professeur de communication à l’ULB et spécialiste de la socio-économie des plateformes culturelles.

La semaine qui sépare un épisode du suivant permet aux fans de réagir entre eux sur la série, de supposer de l’avenir des personnages et de faire vivre le show dans la "vraie vie". Dernier exemple en date, le succès de Game of Thrones qui a à son tour attiré 17,4 millions de spectateurs lors du lancement de sa dernière saison sur HBO. On est bien loin du score historique détenu par Rachel, Joey et les autres mais tout au long de ses huit saisons, et épisode par épisode, la série a su tenir en haleine toujours plus de fans pour finir en feu d’artifice.

Game of Thrones | Official Series Trailer (HBO)

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Une manière pour les chaînes de télévision de faire grimper toujours plus les courbes d’audiences, qui rapportent gros via la publicité. Les spots publicitaires qui ont entrecoupé le dernier épisode des Friends se sont arrachés à plus de 2 millions de dollars, précise à ce sujet le quotidien Les Echos.


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Le "binge watching", frein au succès des séries ?

"Lors de l’arrivée de Netflix sur le marché des séries, on a vu que la plateforme privilégiait une consommation plus solitaire des séries en diffusant d’un seul coup tous les épisodes d’une saison. Ce choix répondait à l’époque à une double logique stratégique. D’abord se positionner en rupture avec le modèle traditionnel de la télévision linéaire et ensuite, répondre à une pratique déjà bien implantée, notamment via le piratage sur internet", précise le spécialiste.

Car si l’avènement "binge watching", cette pratique qui consiste à dévorer d’une traite, tous les épisodes d’une série, est souvent attribué à l’arrivée de Netflix, ce n’est pas tout à fait le cas. Bien avant l’arrivée du géant du streaming, les coffrets de DVD ou de VHS permettaient déjà la consommation effrénée de dizaines d’épisodes d’affilée, tout comme le téléchargement illégal de saisons complètes sur internet.

Toutefois, ce type de diffusion, s’il a d’abord eu un côté révolutionnaire, semble désormais être remis en question. "Aujourd’hui, il y a des plateformes comme Disney + qui diffusent un épisode chaque semaine comme on a pu le voir pour 'The Mandalorian', par exemple", pointe Louis Wiart. À son tour, Netflix est aussi en train de revoir sa stratégie, et ce, malgré le positionnement provocateur du patron du géant du streaming en 2014 qui assurait que la télévision linéaire était amenée à disparaître.


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"Netflix veut s’adapter au paysage concurrentiel en matière de séries pour retrouver une dimension collective qui a un rôle social important mais aussi un rôle commercial", car publier d’une traite de l’ensemble des épisodes d’une série, rend le rendez-vous très bref. Tandis qu'une publication hebdomadaire et étalée durant plusieurs semaines permet une succession de rendez-vous et l’étalement de la couverture médiatique. Cela génère aussi le bouche-à-oreille et favorise le renouvellement des abonnements au fil de la diffusion pour les plateformes.

Le succès de Friends transposable en 2021 ?

Mais alors le monde des séries de 2021 est-il propice à des séries à succès tels que celui de Friends dans les années 2000 ? Rien n’est moins sûr mais nul doute que les plateformes 2.0 tentent de rencontrer au mieux les attentes des consommateurs pour booster leurs audiences. "Aujourd’hui, une diffusion mondiale et immédiate est possible via Netflix, Amazon Prime ou encore Diney + comme on l’a vu, entre autres, avec la Casa De Papel. Ce n’était pas possible il y a 20 ans", pointe Louis Wiart.


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Pour Céline Dejoie, la question n’est pas là car la diversité des contenus proposés permet à chacun de se retrouver dans le panel de séries disponibles, sans pour autant générer des audiences folles. "Les séries d’aujourd’hui ont encore de l’ampleur mais sur de plus petites communautés, renchérit-elle. Ces dernières années, il y a vraiment des pépites de séries produites par de grands networks qui sont d’une qualité folle mais qui ne sont même pas destinées à toucher le grand public. C’est le cas par exemple de The Underground Railroad, parue ce mois-ci et produite par le réalisateur de Moonlight."

Selon elle, c’est là que la presse culturelle trouve tout son sens. Car face à l’effervescence toujours plus grande du monde sériel, le rôle de conseil des journalistes est désormais primordial pour trouver son compte entre séries contemporaines et séries emblématiques, mais aussi pour que chacun puisse dénicher les séries qui lui correspondent.

Alors The Office, Friends ou Sex and The City peuvent-elles être détrônées dans le grand Game of Thrones des séries à l’ère des plateformes de streaming ? La course à la "série phare" a en tout cas été lancée en même temps que toutes ces plateformes qui contribuent chaque année un peu plus à enrichir un paysage audiovisuel toujours plus riche… ou saturé, c’est selon.

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