Jaroslaw Kurski ne réfute pas que le PIS a gagné les élections, qu'il a gagné un mandat. Mais ce mandat ne lui permet pas de changer le système selon lui: "On est en ce moment les témoins d'un renversement politique en Pologne, la séparation des pouvoirs n'est plus respectée, il s'agit maintenant de l'omnipotence de Jaroslaw Kaczinsky".
Jaroslaw Kaczinsky, nouvel homme fort de Pologne
Jaroslaw Kaczinsky a occupé le poste de Premier ministre, il y a plus de 10 ans. C'était en tandem avec son frère jumeau, président, mort lors d'un accident d'avion en 2010. Il est devenu le nouvel homme fort de Pologne, selon l'opposition. Pourtant sur papier, il est juste député et président du parti Droit et Justice.
Pour Andrezj Halicki, député de la Plateforme civique, Jaroslaw Kaczinsky cherche à avoir 100 % du pouvoir: "Même s'il n'a plus aucune responsabilité, il n'est pas dans le gouvernement, il n'est pas président, c'est juste le président du parti. Pourtant toutes les décisions, les nouvelles lois sont vérifiées et passent par le bureau du parti".
Le député s'inquiète des différents projets, dans les cartons du parti Droit et justice: "Tout d'abord, il y a de nouveaux outils pour la police. Parfois c'est nécessaire d'avoir des opérations contre le terrorisme, mais si ce n'est ni détaillé ni supervisé, ça pourrait aussi être utilisé contre l'opposition. La question est posée [Depuis l'interview, le Sénat polonais a approuvé ce vendredi 29 janvier une nouvelle loi qui facilite l'accès de la police aux données internet]. Il y a aussi une nouvelle proposition sur la table en ce moment : c'est que le ministre de la Justice devienne le procureur général. C'est dangereux ! C'est un mauvais système qui était en cours dans la Pologne communiste [NDLR Entre temps, la loi a été votée ce jeudi 28 janvier par le parlement polonais]. Et puis si l'on parle des élections, normalement le rythme est protégée par la Constitution. Mais là, le PIS dit qu'en raison de décisions administratives, il y aura peut-être de nouvelles élections locales à Varsovie dans quelques mois. Bien sûr, c'est pour mettre fin au mandat de la Plateforme civique dans la capitale, parce que Hanna Gronkiewicz-Waltz, la maire, fait partie de notre parti. C'est une proposition anti constitutionnelle. Mais si le projet de loi arrive au Parlement, c'est certain pour moi que ce sera voté ! Ce sera appliqué, parce que le tribunal constitutionnel est paralysé. Et nous avons de nombreuses questions comme ça !"
Inquiétude européenne
Des contrepouvoirs muselés. Et des réformes controversées dans ses cartons. Cela inquiète l'Union européenne. Il y a peu, elle a lancé une procédure de sauvegarde de l’État de droit à l'encontre de la Pologne.
Pour ceux qui soutiennent le parti Droit et Justice, cette procédure est disproportionnée, voire déplacée. Ces réformes ne sont que le retour de balancier d'une mauvaise gestion de la part de la Plateforme civique selon eux. C'est le cas de Stanislas, chauffeur de taxi: "Le gouvernement précédent avait placé ses hommes un peu partout. Cette réforme-là vient donc à point. Parce que sinon, la Cour constitutionnelle aurait bloqué tous les projets. Toutes les réformes positives du PIS". Piotr explique lui qu'il n'est pas du tout choqué par la méthode du gouvernement: "Ils font les choses vite, certains y voient un danger, d'autres une motivation".
Alexandra Rybinska travaille pour un journal conservateur à Varsovie. Et elle va plus loin: "On se fiche éperdument de la démocratie en Pologne à Bruxelles. La vraie question, c'est que toute l'Europe doit être gauche libérale. La Hongrie était une exception. Tout d'un coup, la Pologne vire à droite et là, c'est la panique. A Bruxelles, on dit qu'il y a une révolution conservatrice! Du coup, on décide d'être ferme. Mais ce n'est pas une question de démocratie. La démocratie en Pologne n'est pas en danger".
Une vision conservatrice de la société polonaise
Anna, la trentaine, elle, soutient cette démarche européenne. La démocratie est bel et bien en danger, selon elle: "Ils brisent les règles sans aucune hésitation. C'est ce qu'ils ont fait avec le tribunal constitutionnel. Ils sont capables de tout. Ils n'ont pas peur de la loi, ils n'ont pas peur de la briser. Et c'est inquiétant". Cette jeune enseignante à l'Université de Varsovie a un petit garçon de quelques mois. Et la direction que prend la Pologne et le clivage de la société polonaise, l'inquiètent beaucoup: "Quand les résultats des élections ont été annoncés, j'étais inquiète qu'ils fassent quelque chose de mal. Mais je ne m'imaginais pas que ça pouvait être si terrifiant. Et maintenant, avec ces réformes, j'ai peur que la situation ne devienne instable en général. Que les gens ne se sentent plus en sécurité et que le monde dans lequel mon fils va grandir ne soit plus sûr. Et ce n'est pas ce que je veux pour lui, je veux qu'il grandisse dans un environnement pacifique".
Anna redoute aussi des changements dans sa vie quotidienne: "Par exemple, j'ai peur que mon fils ne puisse aller à la crèche, parce qu'il y aura trop d'enfants là-bas. L'impression que j'ai, vu le comportement du gouvernement, c'est qu'il veut promouvoir le fait de rester à la maison avec son enfant. Et les protéger du monde extérieur. Donc ça m'inquiète qu'il ne puisse pas interagir avec d'autres enfants. C'est important pour moi".
Marche arrière, sur la Fécondation in vitro
Le parti au pouvoir défend une vision conservatrice de la société. Il est très proche d'une certaine frange de l’Église catholique. Celle qui pourfend l'homosexualité, l'avortement et aussi la fécondation in vitro. Là dessus, la Pologne a déjà fait marche arrière. En décembre dernier, le gouvernement a décidé de mettre fin au remboursement de cette procédure de PMA, procréation médicalement assistée. Des dizaines de milliers de couples Polonais sont concernés.