Cette chronique a été écrite pour le septième épisode des Grenades série d’été, saison 2, diffusée tous les dimanches de 17h à 18h sur La Première.
C’est avec une émotion toute particulière que j’ai écrit cette chronique parce qu’il y a un an et demi, en mars 2020, mon tout premier article pour Les Grenades sur les conséquences genrées de la crise sanitaire – il y a en aura beaucoup d’autres - était consacré à l’appel à l’aide de plusieurs aides-ménagères. On était le lendemain de l’annonce du confinement, déjà elles tiraient la sonnette d’alarme et analysaient très clairement les dangers potentiels de cette crise.
Ce n’est pas hasard, car les aides-ménagères se situent à l’intersection de multiples discriminations. Derrière l’expression “le secteur des titres-services”, on retrouve une partie de la population particulièrement féminine et précarisée. À Bruxelles par exemple, ces travailleuses sont majoritairement des femmes d’origine immigrée, vivant dans une commune pauvre, selon les chiffres de l’Observatoire belge des inégalités qui précise encore : “Alors qu’il s’agit d’un métier physiquement pénible, elles sont en moyenne plus âgées que le reste des travailleuses bruxelloises : un quart d’entre elles ont plus de 50 ans. Elles ont généralement des enfants, avec une proportion importante de mères seules”.
Dans le flou
Une aide-ménagère que j’ai interviewée à l’époque, au tout début de la crise sanitaire, disait ceci : “J’ai peur de, sans le savoir, contaminer des gens chez eux. Je ne veux pas transmettre le virus à des clients. J’ai plusieurs personnes âgées et des familles avec des enfants malades parmi ceux-ci. Certaines personnes annulent les prestations pour se protéger mais nous, nous ne sommes pas protégées. Nous ne sommes jamais très protégées dans ce métier, nous passons en dernier”.
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Et c’est vrai que les travailleuses étaient dans le flou total, il a fallu du temps avant qu’on leur dise qu’elles avaient le droit de refuser une prestation si elles ne se sentaient pas en sécurité chez certains clients, sans perte de salaire. Depuis, afin de soutenir financièrement le secteur, le gouvernement a débloqué près de 14 millions d’euros. Et une réforme des titres-services, annoncé avant la crise, est toujours bien prévue.
Contre l'isolement et l'exploitation
La Ligue des travailleuses domestiques, qui existe depuis 2018 en Belgique pour visibiliser la situation de ces femmes sans-papiers qui travaillent souvent à l’intérieur même des maisons de leur employeur ou employeuse, s'est également mobilisée durant la crise sanitaire. Contre l’isolement et l’exploitation, elles se sont rassemblées pour mener des actions collectives, plus particulièrement : elles ont demandé un titre de séjour et un permis de travail. Car leur statut actuel ne leur donne officiellement pas le droit de travailler en Belgique et leur travail, s’il est découvert, peut leur valoir un ordre de quitter le territoire par l’Office des Étrangers.
Elles demandent également au gouvernement fédéral la possibilité de porter plainte quand elles sont victimes d’abus de la part de leur patron, tout en étant protégées. Elles demandent une prise en charge complète en cas de violences sexuelles. Elles se basent pour cela sur deux instruments internationaux, la Convention d’Istanbul contre les violences faites aux femmes, ratifiée par la Belgique, et qui exige des mesures pour protéger les femmes sans-papiers de ces violences, ainsi que la Convention 189 de l’Organisation International du travail sur le travail domestique.
Autre action collective récente, celles des femmes de chambre de l’hotel Ibis Les Batignolles, en France. Après 22 mois de grève, les femmes de chambre employées en sous-traitance dans cet hôtel ont obtenu, le 25 mai dernier, de meilleures conditions de travail et une augmentation de leur salaire. Rachel Kéké et Sylvie Kimissa ont eu ses mots pour le journal Le Monde : “Nous allons reprendre le travail la tête haute, nous avons eu nos droits”.
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