Il y aura bien un procès dans l'affaire des "princesses du Conrad". Les huit prévenues contestaient leur renvoi devant le tribunal correctionnel de Bruxelles. Elles jugeaient illégale la manière dont était intervenue la police à l'époque.
Mais dans un arrêt rendu ce mercredi, et pour la deuxième fois, la Cour de cassation a rejeté leur pourvoi. Plus d'échappatoire désormais : le procès aura bien lieu, à moins d’un improbable recours devant la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg.
Les accusées, huit femmes, devront donc répondre de faits qui remontent à 2008. Une princesse des Emirats arabes unis et ses sept filles sont accusées notamment de traite des êtres humains.
Elles occupent à l'époque, en plein centre de Bruxelles, tout un étage du prestigieux hôtel Conrad, l'actuel Steigenberger. A leur service, une vingtaine de femmes de différentes nationalités vivent dans des conditions proches de l'esclavage.
En Belgique sans permis de travail ni permis de séjour, elles travaillent jour et nuit pour un salaire de misère, n'ont pas le droit de quitter l'étage et dorment à même le sol. Une de ces femmes parviendra finalement à s'enfuir, déclenchant une enquête judiciaire.
Un besoin de reconnaissance
7 ans plus tard, le procès est enfin en vue. S’il est fort peu probable que des mesures coercitives soient appliquées aux prévenues, dont on peut même fortement douter qu’elles reviennent en Belgique pour se faire juger, ce procès reste important pour le Centre fédéral Migration, qui s’est porté partie civile. Son directeur François De Smet "se réjouit qu’après plusieurs années de débats préliminaires de procédure, un débat de fond puisse avoir enfin lieu" dans cette affaire qui avait fortement ému l’opinion publique.
"Il faut penser d’abord aux victimes, poursuit François De Smet. Elles ont besoin de reconnaissance. Ne serait-ce que pour cela, ce procès est important. Et puis, pour l’Etat belge et pour le vivre-ensemble, il est important d’apporter le message qu’il n’y a pas de zone de non-droit en matière de lutte contre la traite des êtres humains, en ce compris dans des hôtels de prestige, en ce compris quand cela concerne des dignitaires étrangers qui viennent en Belgique avec leur suite."
Les princesses contestent
La défense des princesses affirme qu'il n'y a jamais eu de violence, ni de traitement dégradant ou inhumain envers les employées. Pour l'étayer, elle avance trois arguments dans un communiqué parvenu à la RTBF :
- "Les employées bénéficiaient toutes d’une couverture sociale et de la constitution d’un pécule en vue de leur retraite.
- Lors de leur séjour en Belgique une des employées a pu retourner en urgence aux Émirats en raison du décès de son père.
- Les employées étaient libres, certaines ont décidé de repartir avec les princesses aux Émirats et d’autres ont décidé de tenter leur chance en Belgique. Personne n’a jamais entravé leur liberté."
Le procès, dont la date n'a pas encore été fixée devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, permettra de confronter les deux thèses.