Patrimoine

Les plus vieilles momies du monde pourraient venir du Portugal, et ce sont des photos qui le disent

Des momies portugaises pourraient être les plus vieilles du monde

© R. Peyroteo-Stjerna, L. N. Stutz, H. L. Mickleburgh, J. L. Cardoso – 2022

Par Johan Rennotte

On pensait que le titre revenait aux momies chinchorros du Pérou, mais il n’en est peut-être rien. D’après une récente étude, les premiers cas de momification intentionnelle connus pourraient bien venir de la vallée de Sado, dans le sud du Portugal. Et ce sont grâce à d’anciennes photographies que l’on a pu le déterminer.

Elles sont connues depuis longtemps. Déterrées entre 1960 et 1962, treize momies portugaises viennent d’être l’objet d’une analyse scientifique poussée (parue dans l’European Journal of Archeology), mais d’une manière plutôt originale. Pas de scanners ni d’analyses ADN, seulement des anciennes photographies prises au moment de leur découverte, et qui permettent aux scientifiques de déduire l’origine de la momification de ces individus.

Ces photos ont été retrouvées un peu par hasard dans les archives personnelles d’un archéologue décédé, alors qu’on pensait que la plupart de la documentation sur les fouilles des années 60 avait malencontreusement disparu. L’analyse des clichés a donc permis aux scientifiques d’effectuer des analyses "archéothanatologiques", soit d’étudier la position et l’aspect des restes des défunts. Les archéologues-anthropologues se sont donc devenus, le temps d’une étude, des sortes de médecins légistes pour cadavres préhistoriques.

Les anciennes photos des corps ont pu donner des indications précieuses aux scientifiques.
Les anciennes photos des corps ont pu donner des indications précieuses aux scientifiques. © R. Peyroteo-Stjerna, L. N. Stutz, H. L. Mickleburgh, J. L. Cardoso – 2022

Difficile d’imaginer que de simples photographies, qui plus est en noir et blanc, aient pu apporter des informations précieuses, et pourtant. Grâce à ce que l’on connaît de la décomposition des corps humains, les scientifiques ont pu reconstituer les tombes des individus morts au Mésolithique grâce à la position des ossements sur les clichés. On voit ainsi très clairement que les corps ont été enterrés recroquevillés, les genoux sur la poitrine.

Mais il semble bien que les défunts aient été attachés pour être maintenus dans cette position avant de rejoindre leur dernière demeure (ce qui n’est pas sans rappeler l’étrange momie ligotée trouvée récemment au Pérou), et que leurs liens ont par la suite été plusieurs fois resserrés pour les comprimer le plus possible. Les photographies, même si elles ne sont pas de très bonne qualité, montrent que les sédiments des tombes ne correspondent pas à ce que l’on trouverait dans de sépultures où des corps se sont décomposés, et que les positionnements des os ne sont pas non plus similaires à ce que l’on voit pour les corps enterrés "frais et entiers". Ce ne serait donc qu’une fois desséchés que les restes ont été enterrés.

Bien entendu, comprimer les corps n’était sans doute pas suffisant pour les momifier. Les scientifiques pensent que d’autres techniques de déshydratation devaient être combinées, comme placer les corps à l’abri de la pluie et de l’humidité, les mettre en hauteur pour faire s’écouler les liquides corporels, les envelopper dans des tissus, ou encore les enduire d’onguents et d’extraits de plantes ou d’insectes pour retarder la décomposition.

La pratique peut nous paraître macabre, mais elle devait comporter son lot d’avantage à l’époque. Il était en effet probablement bien plus facile de transporter des corps ainsi allégés vers leurs sépultures, sans les altérer. L’intégrité des corps, dans les groupements humains du Mésolithique, était vraisemblablement fondamentale dans les rites mortuaires. Mais plus encore, déplacer des corps montrerait l’importance de rassembler les morts au même endroit, dans des sortes de cimetières préhistoriques.

Quoi qu’il en soit, si les techniques de momification sont effectivement confirmées par d’autres études, cela voudrait dire que nous sommes en présence des plus vieilles momies trouvées à ce jour dans le monde. Elles surpasseraient ainsi d’un millénaire les remarquables momies chinchorros, vieilles de 7000 ans, qui ont été découvertes au Chili.

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