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Les personnes LGBT enlevées, torturées, tuées en toute impunité en Irak, dénonce Human Rights Watch

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En Irak, les personnes LGBT (lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenres) sont victimes d'enlèvements, viols, tortures et meurtres de la part de groupes armés qui agissent en toute impunité, dénonce mercredi Human Rights Watch dans un nouveau rapport, écrit avec l'ONG IraQueer.

Au long de 86 pages, les deux ONG documentent le quotidien des personnes LGBT en Irak, soit "vivre dans une peur constante d'être pourchassées et tuées par des groupes armés en toute impunité, ou d'être arrêtées et violentées par la police irakienne", explique Rasha Younes, chercheuse sur les droits LGBT au sein de HRW. Résultat : beaucoup d'entre elles expliquent être forcées de se cacher pour rester en vie.

Les témoignages

Pour établir leur rapport, HRW et IraQueer ont interrogé 54 Irakiens et Irakiennes LGBT, survivants de violences commises par des groupes armés et la police. On trouve notamment le témoignage de Kadhija, femme transgenre de 31 ans, enlevée en février 2021 par "cinq ou six hommes", qui l'ont rouée de coups, frappée avec un rasoir et un tournevis, et ont versé sur son corps cinq litres d'essence pour ensuite l'enflammer. Elle a été secourue par des voisins.

Laith, homme de 27 ans, raconte, lui, comment il a vu son petit ami se faire assassiner devant ses yeux en mai 2020.

Le rapport se fonde aussi sur des interviews de représentants de neuf organisations de défense des droits humains et d'agences internationales, ainsi que sept représentants de missions étrangères en Irak et défenseurs des droits LGBT.

Huit enlèvements, huit tentatives de meurtre, quatre exécutions extrajudiciaires, 27 cas de violence sexuelle (dont des viols collectifs), 45 menaces de viol et de meurtre et 42 cas d'harcèlement en ligne sont décrits par les deux ONG.

Dans huit cas, les violences commises par des groupes armés et la police, dont des arrestations arbitraires et du harcèlement sexuel, visaient des mineurs de moins de 15 ans. La plupart des personnes attaquées (39) pouvaient identifier le groupe agresseur. 

HRW documente ainsi des tentatives de meurtres commises par des groupes armés principalement au sein des "Unités de mobilisation populaire" ou "Hachd al-Chaabi", force paramilitaire, placée en théorie sous l'autorité du Premier ministre et qui dispose d'une vitrine politique sous le nom d'Alliance de la conquête.

Les 54 personnes interrogées par HRW et IraQueer rapportent avoir été harcelées en rue, allant d'insultes verbales à une attaque à main armée. Seize personnes confient avoir déjà tenté de se suicider au moins une fois.

Les personnes interviewées témoignent d'arrestations et de violences quotidiennes de la part des agents de sécurité, qui les attaquent verbalement et physiquement, les arrêtent arbitrairement et les placent en détention, souvent sans base légale, dénoncent les ONG.

Pendant la détention, les personnes LGBT sont à nouveau exposées à des abus, tels que la privation de nourriture et d'eau, l'interdiction de contacter un avocat ou des membres de la famille, l'absence de soins médicaux. Certaines rapportent des violences sexuelles et physiques et disent avoir été forcées ensuite à signer un document déclarant qu'elles n'avaient pas été violentées.

La plupart des personnes interrogées (40) témoignent aussi avoir été victimes de violences extrêmes de la part de proches, essentiellement des hommes, en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Ces violences comprennent le fait d'être enfermé dans une pièce pendant de longues périodes, la privation de nourriture et d'eau, le fait d'être brûlé, battu, violé, électrocuté, menacé par une arme à feu, ou encore soumis à des pratiques de conversion et d'hormonothérapie forcée, contraint à se marier ou à travailler de longues heures sans rémunération.

Les 54 personnes LGBT interrogées ont expliqué qu'elles ne signaleraient pas aux autorités les crimes commis, soit en raison de précédentes tentatives infructueuses, soit parce qu'elles craignent que la faute soit rejetée sur elles-mêmes et leur orientation sexuelle ou identité de genre. Les ONG relèvent que des causes de "moralité", "vaguement définies dans le code pénal irakien, ainsi que l'absence de systèmes de dépôts de plaintes fiable, et d'une législation les protégeant de la discrimination" créent "un environnement où des acteurs gouvernementaux armés, dont la police, peuvent violenter les personnes LGBT en toute impunité".

Le gouvernement irakien est responsable de la protection des droits des personnes LGBT à la vie et à la sécurité mais a échoué à poursuivre les responsables des violences

"Le gouvernement irakien est responsable de la protection des droits des personnes LGBT à la vie et à la sécurité mais a échoué à poursuivre les responsables des violences", dénonce HRW. "Le gouvernement irakien n'a rien fait pour arrêter les violences ou tenir les agresseurs responsables", insiste Rasha Younes.

Human Rights Watch appelle les autorités irakiennes à enquêter sur tous les signalements de violences homophobes et transphobes, et à poursuivre, juger équitablement et condamner les responsables. L'ONG leur demande aussi de condamner publiquement et expressément ces violences.

"Les forces de sécurité irakiennes doivent arrêter d'harceler et arrêter les personnes LGBT (...) et plutôt les protéger de la violence", demande l'ONG, qui plaide aussi pour l'introduction et le renforcement de législations anti-discriminations, y compris sur base de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre.

Human Rights Watch en appelle aussi aux pays qui fournissent une aide militaire, sécuritaire et de renseignement à l'Irak, visant les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France, pour exhorter les autorités irakiennes à enquêter sur ces violences.

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