Wagner revient à Paris en 1859, à l’âge de 46 ans. Il veut y donner des concerts. mais aussi se procurer un théâtre et rassembler une troupe pour ne plus dépendre de personne. C’est Franz Liszt qui lui a conseillé de venir à Paris mais il est horrifié d’apprendre que Wagner a des projets aussi démesurés. Il écrit à sa fille Blandine Ollivier :
A mon avis, le mieux qu’il aurait à faire serait de se tenir paisiblement, dignement et noblement sur la réserve.
Mais à Paris, Wagner voit grand. Il loue une maison, il engage des domestiques et il paie d’avance le loyer pour trois ans. Il joue encore de malchance. Il devra déménager après un an parce que d’après les plans de l'architecte Haussmann, la rue doit être rasée et reconstruite en contrebas. Le couple Wagner bat sérieusement de l’aile et il fait une tentative pour sauvegarder son ménage — ou à tout le moins sauver les apparences — en faisant venir Minna à Paris. Elle arrive en novembre 1859 avec son chien et son perroquet. Très vite, le ton monte. Minna n’approuve pas cette débauche de luxe et elle renvoie une partie des domestiques. Wagner, lui, se concentre sur ses projets de concerts. Richard et Minna vivront séparés jusqu’à la disparition de cette dernière en 1863, foudroyée par une crise cardiaque.
En janvier 1860, on donne des extraits de Lohengrin, Tannhaüser et l’ouverture du Vaisseau fantôme. Le public est conquis. Parmi les auditeurs, on distingue les silhouettes de Berlioz, Gounod, Auber, Meyerbeer. Au concert suivant, après le prélude de Tristan, une tempête d’applaudissements se déchaîne. Wagner est ovationné. On lui baise la main. C’est un triomphe ! Enfin !
Le 17 février 1860, Charles Baudelaire lui écrit :
"D’abord il m’a semblé que je connaissais cette musique, et plus tard en y réfléchissant, j’ai compris d’où venait ce mirage ; il me semblait que cette musique était la mienne, et je la reconnaissais comme tout homme reconnait les choses qu’il est destiné à aimer. Ensuite le caractère qui m’a principalement frappé, c’a été la grandeur. Cela représente le grand, et cela pousse au grand. J’ai retrouvé partout dans vos ouvrages la solennité des grands bruits, des grands aspects de la Nature, et la solennité des grandes passions de l’homme […] Une fois encore, monsieur, je vous remercie ; vous m’avez rappelé à moi-même et au grand, dans de mauvaises heures."