Bruxelles

Les offres de travail au noir profitent de l’impunité que procurent les réseaux sociaux

Les petites annonces de travail au noir font désormais de pages spécialisées sur les réseaux sociaux

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"Urgent, je recherche un travail au noir dans le nettoyage. Recherche garde à domicile, payé en noir. N’importe quoi, s’il vous plaît, je n’ai pas de papiers". Ce genre de propositions s’échangent de plus en plus sur les réseaux sociaux. Des groupes Facebook sont même spécialisés dans ce genre de petites annonces. Et le succès est au rendez-vous si on en juge par le nombre de réponses que reçoit la moindre publication. Ce genre d’annonces a toujours existé, direz-vous ! Oui, mais ici, c’est un peu comme si leur diffusion était organisée.

Des employées de maison payées de 4 à 8 euros de l'heure

Pour éviter la taxation du travail ou parce que tout emploi déclaré leur est interdit, beaucoup d’hommes et de femmes ont recours au travail au noir. C’est notamment le cas des travailleurs sans papiers. Eva Jimenez Lama s’occupe de cette main-d’œuvre fragilisée à la CSC de Bruxelles. Elle confirme :"Ce genre d’annonces, j’en vois circuler sur Facebook ou dans les boucles Whatsapp ou Telegram. Beaucoup de femmes se voient proposer des emplois de maison, de s’occuper d’enfants, du nettoyage, pour un salaire qui oscille souvent entre 4 et 8 euros de l’heure. Les hommes travaillent dans le transport ou la construction pour espérer entre 8 et 10 euros de l’heure, parfois moins et souvent sans protection contre les risques du métier." Mais elle en est certaine, ces travailleurs de l’ombre, condamnés à la clandestinité, préféreraient un travail déclaré qui garantisse de meilleures conditions de vie.

"La livraison à domicile est le secteur le plus dégradé des secteurs dégradés !"

Et ce manque de protection obligerait, selon Eva Jimenez Lama, les sans papiers à travailler dans le secteur le plus dégradé des secteurs dégradés, à savoir celui de la livraison de repas à domicile. Là aussi, le recrutement passe souvent par les réseaux sociaux (pour devenir coursier livreur, chez Uber Eats, par exemple, il faut un document d’identité valable dans l’union européenne, ce dont les clandestins sont souvent démunis). "Les sans papiers sous-louent donc des comptes à des personnes qui, elles, ont pu ouvrir un ou plusieurs comptes. Ils leur cèdent au passage, environ 20% de la recette et prennent tous les risques sur la route". Selon la syndicaliste, les tentatives des plateformes pour enrayer cette sous-location ne seraient pas efficaces. Et ici aussi, le nombre de propositions sur des pages Facebook spécialement dédiées à la sous-location, atteste de l’ampleur du phénomène.

"Publier une annonce proposant du travail au noir, n’est pas une infraction"

Mais la publication d’annonces proposant du travail non déclaré, expose-t-elle son auteur à des ennuis avec la justice ? Pas vraiment ! A l’auditorat du travail de Bruxelles, on nous confirme qu’aucun dossier n’est ouvert actuellement. Son porte-parole, Fabrizio Antiocco précise :"Sur le plan moral, ce n’est évidemment pas acceptable mais juridiquement ce n’est pas une infraction puisqu’on est alors dans la phase "préparatoire" d’éventuelles infractions."

Pourrait-il alors y avoir des enquêtes proactives menées pour débusquer les cas avérés de travail au noir entre particuliers ? Ce n’est pas simple. "Il existe en effet ce qu’on appelle des enquêtes proactives. Mais elles sont réservées, selon le code d’instruction criminel, à des phénomènes de délinquance plus graves, liés à des organisations criminelles, ce qui n’est pas le cas ici".

Des moyens humains et matériels insuffisants pour lutter contre les nombreuses formes de fraude sociale

Une impossibilité juridique… Mais pas seulement ! "Mener à bien des enquêtes proactives est très difficile aussi. La police, les services d’inspection du travail et l’auditorat ont des capacités d’agir mais elles sont affectées aux dossiers prioritaires". Pas question pourtant, selon, Fabrizio Antiocco de parler d’impunité : "Si l’infraction est commise, elle peut tomber sous les radars de la justice via des contrôles (dans les commerces, sur des chantiers, …) et ces contrôles surprises permettent de prendre les fraudeurs sur le fait". Mais il le reconnaît, les moyens humains et matériels sont limités pour lutter contre les fraudes sociales. Ils sont donc naturellement affectés aux dossiers les plus importants.

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