Patrimoine

Les œufs de Fabergé, des bijoux plein de secrets

L’Œuf au carrosse

© ALESSANDRO DELLA BELLA/BELGAIMAGE

Ils sont synonymes de luxe et de finesse. Les œufs de Fabergé, trésor de joaillerie hérité de la Russie impériale indissociables du destin des Romanov, cachent littéralement des nombreux petits secrets. Le documentaire "Fabergé – Les objets du désir", en dévoile quelques-uns sur Arte.

Karl Fabergé

Tout commence avec le savoir-faire d’un homme. Nous sommes dans les années 1880. Karl Fabergé est joaillier, comme son père avant lui. Il exerce à Saint-Petersbourg, capitale de l’empire russe, et l’une des villes les plus raffinées de l’époque. Son travail, en partie inspiré des pièces des trésors scythes retrouvés quelque temps plus tôt, est très vite remarqué en haut lieu.

Le Tsar Alexandre III et son épouse Maria Feodorovna (née Dagmar du Danemark) s’intéressent de près à son œuvre. En 1885, l’empereur russe à l’idée de faire appel au joaillier pour réaliser un cadeau tout à fait unique et spécial.

Un œuf de Pâque original

Pâque est la fête religieuse la plus importante dans la Russie orthodoxe. Et comme partout ailleurs dans la chrétienté, il est d’usage que l’on s’offre des œufs colorés. Si aujourd’hui ils sont en chocolat, à l’époque il s’agit de vrais œufs que l’on teint avec des colorants naturels comme la betterave ou la peau d’oignon. Au fur et à mesure, les matériaux se font de plus en plus luxueux : bois, verre, porcelaine, pierres précieuses et métaux rares.

L'Œuf à la poule

Fabergé n’invente donc rien, lorsqu’en 1885, il conçoit un petit bijou ludique et décoratif : l’Œuf à la poule. Dans un œuf d’émail, une petite sphère en or contient une surprise : une petite poule finement ciselée, également en or, aux yeux en rubis. Sous son aile, se cache encore une surprise, un pendentif. Ce petit objet n’est pas destiné à n’importe qui. Le Tsar qui l’a commandé pour son épouse.

L'un des œufs aujourd'hui perdu

La Tsarine Maria Feodorovna est tellement ravie et surprise, qu’Alexandre III décide de répéter l’opération tous les ans. Ainsi, à chaque Pâque, Fabergé reçoit la commande d’un œuf, qu’il fera de plus en plus sophistiqué et ingénieux. L’impératrice en recevra dix, dont trois ont été perdus depuis. Les objets luxueux seront désormais irrémédiablement associés à la famille impériale des Romanov.

L'Œuf constellation, jamais terminé

Après la mort du Tsar dans un attentat en 1894, son fils, devenu Nicolas II, perpétuera la tradition. Il en offrira 21 à sa femme Alexandra, dont le dernier, l’Œuf constellation, ne sera jamais terminé, et 21 autres à sa mère.

Certains sont des cadeaux très personnalisés, figurant les portraits des enfants impériaux ou symbolisant l’engagement de la Tsarine douairière auprès de la Croix Rouge. L’Œuf au muguet, d’une incroyable finesse, représente la fleur préférée d’Alexandra. D’autres sont en lien avec les grands événements que connaît la Russie, comme l’accession au trône de Nicolas, l’inauguration du transsibérien, ou le tricentenaire de la famille Romanov.

L’Œuf au muguet
L’Œuf au muguet © ALESSANDRO DELLA BELLA/BELGAIMAGE

Chaque œuf est une véritable perle de joaillerie, mais aussi d’ingéniosité. Ils contiennent des mécanismes qui font surgir des photos, des oiseaux qui chantent comme des coucous, des petits véhicules qui roulent quand on les remonte, etc. Certains sont des boîtes à musique, des horloges. Fabergé fait preuve d’une imagination sans borne pour surprendre les deux impératrices.

La renommée des présents impériaux est telle que Fabergé voit bientôt ses commandes exploser. Il devient le joaillier le plus en vogue de l’aristocratie russe, et parvient même à percer à l’étranger. Il ouvre des succursales un peu partout, à Moscou, à Kiev, à Londres. Tout le monde s’arrache les objets de luxe sortis des ateliers Fabergé. Et parmi eux, les œufs de la prestigieuse maison sont particulièrement recherchés. Mais aucun n’équivaut les œufs impériaux, qui servent de modèle à tous les autres.

Cependant, dans une Russie où les inégalités sont de plus en plus prononcées, les œufs deviennent le symbole d’une aristocratie déconnectée de la réalité, qui s’offre des jouets de luxe alors que le peuple meurt de faim.

Dispersés à travers le monde.

Après la chute de l’empire, en 1917, et l’assassinat de la famille impériale (seule l’impératrice douairière, Maria Feodorovna, y échappera), la plupart des œufs sont vendus par le pouvoir soviétique.

L'Œuf au Kremlin

Les 54 œufs impériaux se retrouvent ainsi disséminés aux quatre coins du monde, dans des collections privées ou des musées. Certains disparaissent des radars, tandis que d’autres sont encore aujourd’hui jalousement gardés loin des yeux du public.

Dix d’entre eux sont exposés au palais des armures, dans le Kremlin. Ce sont ceux qui ont échappé à la vente par le pouvoir communiste. On compte notamment l’Œuf au Transsibérien, le délicat Œuf au trèfle, le surprenant Œuf au Kremlin qui en figure les bâtiments, et l’austère Œuf militaire tout en acier.

Mais la plus grande collection d’œufs et d’objets signés Fabergé est rassemblée par le milliardaire américain Malcolm Forbes, désireux, en pleine guerre froide, de surpasser la collection moscovite. Parmi eux, on compte les plus précieux et les plus travaillés des objets, dont l’original Œuf à la Poule, l’Œuf de la Renaissance, le dernier offert par Alexandre III avant sa mort, le surprenant Œuf au Laurier en forme d’arbuste, ou encore l’Œuf au carrosse, d’une jaune brillant, probablement le plus connu au monde.

L’Œuf au laurier
L’Œuf Renaissance

Les 12 œufs de la collection Forbes sont rachetés en 2004 par le milliardaire russe Viktor Vekselberg. Un an plus tard, ils sont tous rassemblés à Bruxelles pour une exposition exceptionnelle, dans le cadre d’Europalia Russie. Aujourd’hui, ils sont de retour à Saint-Petersbourg, dans le musée Fabergé qui a ouvert en 2013.

Tous les autres œufs qui sont exposés sont en Amérique, en Suisse ou en Angleterre. D'autres sont détenus par la reine Elisabeth II, par le prince Albert de Monaco, ou par des pontes du Qatar. Jamais, depuis 1917, l’ensemble des œufs impériaux encore existants n’a été rassemblé au même endroit.

"Fabergé – Les objets du désir", un documentaire d’Arte.

Loading...

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous