Matin Première

Les nouvelles performances – parfois très étonnantes- des caméras de surveillance

Par RTBF La Première via

De plus en plus présentes dans l’espace public, de plus en plus performantes, les caméras de surveillance constituent l’ossature de ce que les industriels présentent comme les villes intelligentes, les " smart cities ". 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce sont les projets s’appuyant sur les technologies de vidéo-surveillances qui aujourd’hui prennent le dessus, dopées notamment par la crise sanitaire. 

Une vidéo surveillance en temps réel que les autorités présentent plus volontiers d’ailleurs comme de la " vidéo protection ". Pour leur créateur ces caméras sont capables de mettre " en lumière des situations problématiques voire dangereuses ", mais ces dispositifs font craindre qu’un contrôle global ne finisse par devenir la norme.  

On finirait presque par ne plus les voir dans l’espace public. Les caméras de surveillance sont pourtant partout. Et la technologie qu’elles renferment à fait un bon de géant depuis l’installation des premiers boitiers dans les années. " La technologie enfermée dans les dômes ne change pas d’apparence mais ses capacités, d’intrusion notamment, sont démultipliées ", explique le journaliste Olivier Tesquet, auteur du livre Etat d’urgence technologique. " La caméra qui se contentait hier d’observer le coin de la rue, peut, aujourd’hui, analyser des comportements suspects, et elle sera capable, demain, d’identifier des suspects potentiels. " 

Détecter les émotions sur le visage des terroristes 

Détecter les suspects potentiels, C’est notamment ce que propose une startup française nommée Two-i. Ses caméras de surveillance sont équipées d’un logiciel baptisé " Security ". Il serait capable de déceler et d’analyser les émotions sur le visage des personnes filmées. C’est en tout cas ce qu’affirme sur une vidéo de l’entreprise, Audrey, la responsable de la communication de ce programme " émotions " : " Les programmes actuels sont très compétents. On a un taux de 99% de précision quand il s’agit de détecter des émotions basiques, joie, colère, surprise, peur, tristesse et dégout ". 

Two-i appelle cela " l’informatique affective ". Son algorithme serait en mesure de capter 10.000 visages à la seconde et d’en dresser une cartographie émotionnelle en temps réel. 

" Ce sont des expressions très darwiniennes ", tempère, dubitatif, Olivier Tesquet. " L’ambition commerciale est d’identifier un risque terroriste. Tout cela est très spécieux. D’autant que cela s’appuie sur des pseudo-sciences du 19e siècle qui prétendaient pouvoir identifier le " type criminel ". Vouloir répliquer cela au 21e siècle sous stéroïde des algorithmes, laisse apparaître un grand danger ", conclut-il. 

La caméra Hikvision peut différencier un Ouighour d’un Han 

L’immense majorité des caméras de surveillance est de fabrication chinoises. Hikvision est l’un des géants du marché. Il place ses caméras aux quatre coins du monde. J’en ai encore vu une chez mon boulanger dimanche matin. Mais Hikvision, dans le même temps, joue un rôle majeur dans la surveillance des Ouïghours dans la province du Xinjiang, en Chine. 

L’entreprise développe une technologie de reconnaissance faciale qui serait capable de différencier un Chinois Ouighour d’un Chinois Han sur la base de la couleur de la peau, de la forme des yeux ou du nez. 13 millions de Chinois Ouighours sont selon l’ONG Human Rights Watch persécutés et surveillés en permanence 

Au parlement britannique, la députée Karen Lee interpellait, il y a quelques mois, son ministre de l’intérieur en ces termes : " Hikvision utilise sa technologie de reconnaissance faciale et menace les Tibétains et Les Ouïgours. Il apparaît que Hikvision est le fournisseur de caméra de surveillance le plus important du Royaume-Uni. Le gouvernement de notre pays doit vraiment élever la voix et faire entendre que nous n’acceptons pas les abus en termes de droit humain". 

En Belgique, dans les archives de la Chambre, on ne trouve aucune trace de pareille interpellation. On ne sait d’ailleurs pas trop quelles caméras équipent nos zones de police. Les achats étant laissé à l’appréciation des communes.  

Mais l’acquisition de ces dispositifs de marques chinoises pose bon nombre de questions éthiques. " Quand les pays européens achètent cette technologie chinoise, ils achètent aussi une idéologie ", alerte Olivier Tesquet. " Si on utilise ces logiciels chinois dans des caméras chinois, cela veut dire que l’on cautionne, financièrement au moins, ce profilage technologique " 

 

Briefcam permet d’éviter des heures de planque 

Aujourd’hui, il une surabondance d’images des caméras de surveillance. Mettre un agent devant un moniteur pour analyser tout ce qui a été filmé et stocké ne suffit plus. 

Des sociétés ont donc développé des logiciels capables de condenser, de compresser et d’analyser en quelques secondes à peine plusieurs heures de tournage. C’est le cas de Briefcam, une société israélienne. Elle vante ses performances dans des clips promotionnels aux allures de bande-annonce de films hollywoodiens, à grand renfort d’arguments sur de " ville plus sures " et des " crimes résolus plus rapidement ". 

Briefcam propose donc d’aider les services de police dans leurs enquêtes. Et ce policier dont on trouve une démonstration sur internet est aux anges. Il nous décrit en quoi la technologie l’aide dans sa traque aux dealeurs de drogue. 

" La première chose que je fais c’est d’aller dans les paramètres du logiciel. Et je choisis les " gens " ", explique-t-il en deux clics. A l’image apparaissent alors tous les passants qui ont emprunté la rue ces dernières 24 heures. " Si je veux savoir où ces gens se rendent le plus, je vais cliquer sur " parcours " ". Comme par enchantement, de grandes lignes colorées se superposent à l’image et on voit de véritable flux apparaître sur l’écran. L’inspecteur de police continue sa démonstration : " Je peux voir notamment combien de personnes se sont rendues par exemple vers cette porte juste-là tous les jours. Il y en a eu 400 ! En une seule journée ! C’est là qu’est installé le dealer. Avant j’aurais dû rester en planque dans une voiture avec des cafés froids pendant des heures… Ici, cela m’a pris une minute ". 

Si elles font la joie des services de sécurité et de police, ces technologies effraient bon nombre d’observateur. Dans un environnement techno policier qui étend son pouvoir de surveillance automatisé, il sera bientôt de plus en plus difficile de se cacher.

 

Recevez chaque vendredi l'essentiel de Matin Première

recevez chaque semaine une sélection des actualités de la semaine de Matin Première. Interviews, chroniques, reportages, récits pour savoir ce qui se passe en Belgique, près de chez vous et dans le monde.

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous