Tendances Première

Les nouveaux enjeux du maraîchage, l’agriculture sur petite surface

© Les Jardins de la Dîme

On le sait bien : il faut privilégier les circuits courts, ce mode de distribution plus respectueux de l’environnement. Le maraîchage diversifié sur petites surfaces attire d’ailleurs de plus en plus de candidats. Mais si ce système est intéressant, il n’est pas simple pour autant et beaucoup d’exploitations sont en difficulté ou disparaissent. Entre crise du covid, hausse des prix de l’énergie et météo capricieuse, la situation est instable. Les 'petits' maraîchers doivent aussi faire face à une clientèle volage. C’est le constat du magazine Tchak ! , 'la revue paysanne et citoyenne qui tranche'.

Le maraîchage diversifié sur petite surface, c’est quoi ?

Le terme 'diversifié' a toute son importance : des producteurs essaient d’avoir une diversité de légumes sur leurs surfaces. Et qui dit diversité dit méthodes peu mécanisables et donc un besoin de main d’oeuvre très important. Cela crée donc de l’emploi sur de petites surfaces, explique Timothée Petel, chargé de mission Politique & Groupements de producteurs (FUGEA).

Il faut compter en moyenne 2300 heures de travail par hectare cultivé et par an. Le maraîcher en circuit court doit pouvoir gérer aussi les étapes de distribution, de commercialisation. La formation doit être très polyvalente et une expérience de terrain d’un an ou deux avec d’autres maraîchers peut être bien utile pour éviter les erreurs. Le projet doit donc être bien réfléchi avant de se lancer.

Il vaut mieux au début se spécialiser, ne pas vouloir produire trop de variétés différentes. Diversifier ses débouchés mais bien planifier la commercialisation. Ne pas s’isoler, viser le collectif, ne pas se lancer seul, penser aux associations, aux synergies possibles avec les agriculteurs de la région.

"Le client a certaines attentes : l’accessibilité, notamment dans les centres urbains, et une offre stable et diversifiée tout au long de l’année. Pour un maraîcher, c’est assez compliqué mais en se mettant en coopérative, on arrive à répondre au client et à aller démarcher de nouveaux clients prêts à soutenir ce modèle."

A la mode de chez nous

Emilie Verkaeren, entame sa 9e saison comme maraîchère A la mode de chez nous. Elle est aussi co-administratrice du Groupement des maraîchers diversifiés bio sur petite surface (GMDB).

Son objectif en changeant de métier ? Produire une alimentation saine et de qualité, faire redécouvrir aux gens la saveur et le goût, récréer une certaine autonomie à l’échelle d’un territoire pour répondre aux enjeux environnementaux, mais aussi créer du lien social.

Ce métier est très chronophage et pas très rémunérateur au début, à moins d’avoir un boulot mi-temps et de développer cette activité à titre complémentaire, souligne-t-elle. Mais c’est un métier porteur et plein d’avenir et il y a de plus en plus de centres de formation, comme le CRABE à Jodoigne ou l’IFAPME.

Le salaire moyen n’est pas très élevé, souvent en dessous de 1000€. Il faut bien se rendre compte que les investissements sont assez lourds en matériel, il faut du temps pour l’amortir, explique Emilie Verkaeren. Un maraîcher travaille parfois entre 60 heures semaine pour un revenu moyen entre 7 et 10€ bruts. On ne fait clairement pas ce métier pour gagner beaucoup d’argent, mais par conviction. L’idéal étant de pouvoir en vivre décemment, "il faut trouver le juste milieu et expliquer notre réalité au consommateur."

On ne sait plus faire face à la concurrence parfois très déloyale des grandes surfaces, avec leurs beaux slogans où ils se récupèrent un peu les circuits courts, pour faire venir le consommateur. Je crois que le consommateur est juste perdu, en fait.

La volatilité de la clientèle

Dans son article, Claire Lengrand, journaliste au magazine Tchak !, pointe la volatilité de la clientèle : hyper présente au début de la crise, quand elle avait plus de temps, elle a tendance aujourd’hui à négliger ces circuits courts.

Emilie confirme : ceux qui sont avertis et qui savent pourquoi ils viennent sont restés, mais cela ne représente que 5% de la clientèle du confinement. L’enjeu est de continuer à sensibiliser le consommateur au fait qu’en achetant un peu plus cher, ils contribuent, ils investissent dans leur alimentation et dans leur environnement.

Mais ce n’est pas l’unique facteur relevé dans Tchak ! A la campagne, beaucoup de citoyens ont leur propre potager. Il y a aussi la grande distribution qui plagie les valeurs du maraîchage et des producteurs locaux. Beaucoup pensent qu’il est plus simple de regrouper tous leurs achats au même endroit.

Enfin, l’une des particularités du maraîchage diversifié sur petite surface, c’est la multiplicité de ses modèles économiques.

"Ce métier donne une grande part de liberté et il serait dommage de le réduire à une seule façon de penser et de faire. Certains se lancent avec un peu d’idéalisme et il arrive parfois que leur projet ne se concrétise pas ou soit abandonné. Le métier est complexe, la vente est une dimension à part entière, il y a les débouchés à trouver…"

Vers l’autonomie alimentaire ?

L’accès à la terre coûte beaucoup trop cher en région wallonne, explique Timothée Petel : aux alentours de 30 000 € l’hectare. Ce n’est pas pour rien que beaucoup se lancent dans le maraîchage sur petite surface : 1 hectare est possible là où reprendre une ferme de 50 hectares est impensable.

Notre autonomie alimentaire en légumes est faible pour l’instant, de l’ordre de 17%. L’objectif est de passer en 2028 à 30% de fruits et de légumes originaires de Wallonie dans le panier du consommateur wallon.

"Si on veut viser un système alimentaire plus résilient, il va donc falloir relocaliser cette production sur notre territoire en consacrant plus de superficie aux légumes, en soutenant les maraîchers diversifiés sur petite surface. Mais ce ne sera pas suffisant, il faudra aussi des producteurs plus mécanisés, sur plus grandes surfaces, pour certains légumes comme la carotte."

L’Horeca a aussi un rôle à jouer dans le développement de ce modèle, par une meilleure communication sur l’origine et le mode de production des produits.

 

Ecoutez ici le témoignage de Jérôme, des Jardins de la Dîme, une ancienne bergerie située à Ecaussinnes. Avec d’autres producteurs, maraîchers, fromagers… , ce maraîcher heureux a créé une coopérative, La Clique en Senne, qui permet la rencontre et le partage.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous