Politique

Les mutualités face à la croissance rabotée du budget des soins de santé : la Vivaldi a-t-elle oublié la crise du Covid ?

© Getty Images

Le budget ficelé par le gouvernement d’Alexander De Croo ce mardi 11 octobre est largement critiqué, notamment par les acteurs des soins de santé. Les moyens prévus pour ces deux prochaines années ne passent pas, principalement la baisse de la norme de croissance en 2024. La norme de croissance fixe la hausse annuelle du budget des soins de santé, hors inflation. Elle sera de 2% et non de 2,5% en 2024, soit une économie de quelque 75 millions d’euros.

Un "tabou" est tombé selon Solidaris, laissant présager des jours sombres pour les soins de santé. La Mutualité chrétienne, elle, appelle à une réflexion globale. Les mutualités s’inquiètent de l’impact d’un budget raboté sur les nouveaux besoins, y compris en santé mentale après plusieurs années de crise. Les hôpitaux, eux, qualifient les conclusions du conclave budgétaire de la Vivaldi de mauvais signal politique.

Plus de marge en 2024 ?

Le calcul de la norme de croissance du budget des soins de santé est le résultat d’un calcul complexe. Pour faire simple, on se base sur le montant de l’année écoulée auquel on ajoute 2,5%, soit quelque 750 millions d’euros. Une fois ce montant obtenu, d’autres "calculs techniques sur l’évolution des coûts des soins de santé sont réalisés sur base des tendances de consommation", analyse la secrétaire générale de la Mutualité chrétienne Elisabeth Degryse.

Il s’agit ici des nouveaux besoins en matière de santé comme ceux de santé mentale, démultipliés après la crise du Covid, la guerre en Ukraine voire la hausse des prix de l’énergie et de l’inflation, trois situations provoquant de l’anxiété et autres troubles chez certaines personnes et nécessitant des soins. Bref, un besoin supplémentaire ayant des conséquences sur le budget des soins de santé. Une fois ces calculs réalisés, une marge est dégagée. Elle est de 75 millions d’euros en 2023.

Un sous-financement structurel

Le danger avec une diminution de la norme de croissance à 2% en 2024, c’est que les moyens dégagés soient réduits à néant parce que la demande de soins, elle, ne cesse d’augmenter.

"Le Bureau du Plan, ce n’est pas un organe cryptocommuniste", ironise le secrétaire général de Solidaris (mutualité socialiste), Jean-Pascal Labille. "Et le Bureau du Plan estime que la croissance normale des soins de santé oscille autour de 3%. Donc avec 2,5%, il faut déjà faire un peu des miracles".

Et de critiquer les mesures prises sous la législature précédente : "On va payer cette législature De Block qui pour moi a été la plus mauvaise ministre des Affaires sociales qu’on ait eue. On va la payer très longtemps parce qu’il y a eu un sous-financement du système de santé devenu structurel. Déjà, quand on a 2,5% pour faire face à des augmentations normales de l’ordre de 3%, il faut être créatif aujourd’hui".

Un tabou brisé

La Mutualité chrétienne et Solidaris s’accordent sur l’importance de la sécurité sociale en matière de cohésion sociale, une cohésion mise à mal si le budget des soins de santé est raboté.

"Ce qui est embêtant", constate Elisabeth Degryse, "c’est la petite musique de fond que l’on entend depuis plusieurs années qui vise à dire que les soins de santé sont un coût pour la société. Les soins de santé et la sécurité sociale, ce n’est pas un coût pour la société, c’est un investissement que l’on fait en commun, c’est une assurance sociale solidaire pour protéger les citoyens des accidents de la vie, dans ce cas-ci en matière de santé ou matière d’incapacité de travail".

De son côté, Jean-Pascal Labille estime qu’on a touché à un tabou : "En 2020, tout le monde disait que la santé était vraiment primordiale. On allait voir ce qu’on allait voir et on ne toucherait plus jamais à la santé. Je crains qu’avec ce qu’on vient de faire au travers de ce conclave budgétaire, on nous prépare le monde d’après mais le monde d’après est pire que le monde d’avant".

Le secrétaire général de Solidaris veut tirer la sonnette d'alarme : "Le mal-être du personnel soignant est encore extrêmement présent. Il suffit de voir aujourd’hui le nombre de personnes qui s’inscrivent pour devenir infirmière. On a un vrai problème de pénurie pour les infirmières et c’est vrai aussi pour les médecins et on doit avoir une vue globale sur le système".

Du côté des hôpitaux, Jean-Michel Hougardy, directeur de l’Hôpital universitaire de Bruxelles – qui regroupe l’hôpital Érasme, l’institut Jules Bordet et l’hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola – se déclare déçu : "C’est un mauvais signal politique dans un contexte très difficile pour la santé en général. On sort d’une crise du Covid qui se transforme en une crise de main-d’œuvre, en une pénurie de métiers très importants qui peut interrompre les chaînes de soin […] C’est un signal inquiétant".

Il estime également que les 80 millions d’euros dégagés pour aider les hôpitaux à faire face à la hausse de leurs factures d’énergie sont largement insuffisants.

Déclic

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