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Les manœuvres conjointes de la Russie et de la Biélorussie inquiètent le flanc oriental de l’OTAN

Ouverture officielle des manœuvres conjointes russes et biélorusses Zapad-2021

© Vadim Savitsky – Ministère de la défense russe – AFP

Par Pascal Bustamante et Ghizlane Kounda

La Russie et la Biélorussie ont lancé leurs manœuvres communes à la lisière de l’OTAN. Neuf bases militaires russes, cinq bases biélorusses et des bâtiments en mer Baltique. Un déploiement important : 200.000 militaires, 80 avions et hélicoptères, 760 véhicules militaires et 15 navires. Un exercice stratégique justifié par les deux chefs d’État, Alexandre Loukachenko et Vladimir Poutine : "Les manœuvres Zapad-2021 ne sont dirigées contre personne, mais leur tenue est logique, quand on voit d’autres alliances, l’Otan en particulier, qui accroît activement sa présence militaire aux frontières de l’Union" (russo-biélorusse, ndlr).


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Mais ce n’est pas suffisant pour calmer les inquiétudes des pays voisins, en particulier la Pologne frontalière. Elle a d’ailleurs émis un décret introduisant un état d’urgence pendant 30 jours en raison de ces exercices militaires. Le premier de ce genre depuis la chute du communisme en 1989.


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Contexte de tension entre la Biélorussie et l’Europe

Ces exercices militaires, dont la dernière édition remonte à 2017, sont relativement classiques. Elles se déroulent sur une base régulière mais l’édition 2021 de Zapad montre une intégration plus grande des deux armées et elle se déroule dans un contexte de tension avec l’Union Européenne plus sensible que par le passé. C’est l’analyse qu’en donne Nicolas Gosset, chercheur sur la Russie et l’Eurasie à l’Institut royal supérieur de défense.

"Il y a des tensions énormes entre les partenaires européens et par extension otaniens, et la Biélorussie. Et tout cela vient renforcer le cadre de la détérioration des relations avec les Russes et le contentieux qui est déjà énorme avec l’affaire ukrainienne, le conflit au Dombas, la guerre en Crimée… Dans le contexte de la Biélorussie, il y a eu l’épisode du détournement de l’avion qui a été qualifié par l’Union Européenne d’acte de piraterie et de terrorisme d’état. (Le détournement de l’avion du journaliste Roman Protassevich sur Minsk et l’arrestation de ce dernier par la police biélorusse le 23 mai 2021, ndlr). Cela montre à quel point le régime biélorusse est considéré comme un régime problématique par l’Union Européenne".

Le régime biélorusse est considéré comme un régime problématique par l’Union Européenne

Une mise en quarantaine de la Biélorussie qui pousse le pays limitrophe de l’Union Européenne dans les bras de la Russie.

"C’est une isolation de la Biélorussie dans le chef de l’Union Européenne qui conduit Loukachenko à être aux abois et à n’avoir d’autre option que de se rapprocher du grand frère russe en arguant de la tentative de coup d’État, de renversement, fomentée par les Occidentaux". […] "Poutine s’inscrit dans cette logique-là aussi puisque les eux régimes sont de plus en plus enfermés dans une mentalité de forteresse assiégée où, dans leur perception, l’occident, et surtout les Européens, cherchent à abattre leurs régimes."

Quelle motivation ?

Alors finalement, quelles sont les intentions des Russes dans ces exercices militaires ? Pourquoi montrer les muscles de cette manière-là. Là aussi, Nicolas Gosset, spécialiste de la Russie et de l’Eurasie, déchiffre plusieurs niveaux d’interprétation :

"L’intention globale est de déséquilibrer en faveur de la Russie les rapports de force avec les Occidentaux, renforcer la mise sous dépendance de la Biélorussie et puis montrer ses muscles, envoyer un message d’inflexibilité aux partenaires orientaux de l’OTAN. Mais là où il y a plus d’incertitude, c’est sur ce qui va rester en Biélorussie après ces exercices. Un renforcement politique mais au plan militaire, quoi ? Sur le plan de l’infrastructure, est-ce qu’ils vont laisser des armes ? Est-ce qu’ils vont laisser des équipements ? Est-ce qu’il y a des bases qui vont rester mises à disposition de manière beaucoup plus permanente ? Cela reste encore incertain. C’est là qu’il y a le point d’incertitude."


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Un détail qui a son importance réside dans le fait que l’exercice militaire en question n’a pas prévu la présence d’observateurs de pays de l’OTAN, ce qui renforce un peu plus le climat de suspicion qui entoure l’édition 2021 des exercices Zapad.

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