La première cause invoquée pour justifier ces départs est l'antisémitisme ressenti en Belgique. "Une insécurité très subjective, explique Sally Zajfman, qui est due à la montée de ces quartiers où règne le non-droit qui se développe à Bruxelles. Dans ceux qui partent, il y a désormais beaucoup de familles dont les parents estiment que ce n'est pas une vie pour des enfants."
L'attentat commis au musée juif de Bruxelles le 24 mai 2014 a été un choc pour la communauté juive. Pour ceux qui se posaient déjà la question de l'Alya, cet événement a pu servir de déclencheur. Les attentats du 22 mars 2016 dans le métro et l'aéroport de Bruxelles, même s'ils n'avaient pas de caractère antisémite, viennent entretenir ce sentiment de sécurité défaillante en Belgique.
Il peut y avoir d'autres motivations, comme les difficultés économiques. C'est le cas pour la communauté juive d'Anvers, très liée à l'activité diamantaire. Les acteurs traditionnels du secteur subissent le plein fouet une concurrence indienne. Certains quittent alors Anvers pour Israël ou un autre pays.
Ceux qui arrivent en Israël apportent souvent avec eux le bagage de personnes établies. "Socialement parlant, c'est une bonne Alya, constate Sally Zajfman. Ce sont des gens très productifs, qui viennent avec un patrimoine et qui apportent leur savoir-faire dans différents domaines. À l'inverse, pour la Belgique, c'est une grosse perte. Partout où la communauté juive est en plein essor, cela enrichit l'économie et la vie sociale."
L'entraide des soldats de Tsahal
Arrivé jeune, sans ses parents, Yaniv Wygodzki a pu s'intégrer assez aisément dans la société israélienne. "Quand on vient jeune, on n'a pas d'attache. Des amis, on s'en fait de nouveaux. On apprend la vie ici : la bureaucratie, la langue… Il y a des programmes d'intégration pour les jeunes, des facilités pour les études. C'est une vie différente qui demande de la préparation et surtout du courage."
"Moi, j'ai été aidé par de la famille qui se trouvait ici et par des organismes pour les francophones. J'avais des bases d'hébreu que j'avais apprises à l'école juive. Chaque nouvel immigrant reçoit aussi un certain nombre d'heures de cours offertes par le gouvernement, ce qu'on appelle les 'oulpanim'. Ensuite, il y a le service militaire obligatoire, où tout se passe en hébreu. Là, on apprend la langue, on n'a pas le choix."
Le service militaire dure jusqu'à trois ans pour les hommes et deux ans pour les femmes, avec des durées réduites pour les Olim Hadashim, les nouveaux immigrants. L'armée c'est véritablement le creuset de la société israélienne et un accélérateur de l'intégration des immigrants.
"C'est très difficile, se souvient Yaniv. Mais il y a vraiment cette unité entre les soldats, une grande entraide. Ceux qui arrivent de l'étranger sans famille sont épaulés. Les parents des autres soldats venaient me voir : 'Viens passer le week-end à la maison, on va faire tes lessives, on va s'occuper de toi'. Il y a ce sentiment d'appartenir à une grande famille."
Le jeune Belge n'a cependant pas réussi ensuite à mener à bien ses études d'infirmier, en raison de lacunes en hébreu. "Le niveau académique n'est pas le même que le parler de la rue."
Les soldats seuls très valorisés
Certains jeunes viennent en Israël sans famille et s'engagent dans l'armée. On les appelle les "soldats seuls" (Hayal Boded, en hébreu). C'est un statut officiel qui leur confère une série de droits et avantages (salaire majoré, aide au logement et autres privilèges). L'armée et le ministère de l'Alya et de l'Intégration y veillent.
"De manière générale, le statut de soldat seul est très valorisé au sein de Tsahal, et parmi la population israélienne, souligne le site Tsahal.fr. En effet, l’armée mesure l’importance du sacrifice réalisé par les soldats venus seuls de l’étranger et qui ne retrouvent pas la cellule familiale pendant leurs permissions."
Des organisations privées leur apportent aussi un soutien matériel. C'est le cas d'OBI, pour les jeunes venus de Belgique. "Je ne crois pas qu'il y a quelqu'un qui vient ici seulement pour faire son service militaire, précise Sally Zajfman. Les jeunes qui viennent, c'est pour s'installer en Israël. Et quand on vient ici, un des premiers devoirs, c'est de faire l'armée. Mais il n'y a pas, comme en Syrie, des combattants qui viennent pour une période et qui retournent en Belgique. Notre association donne des aides de subsistance aux soldats seuls. Je n'en connais pas un seul qui est reparti. Je ne connais pas tout le monde, mais je ne pense pas que ça existe."
Selon une organisation américaine d'aide à l'immigration des juifs, 20% de ces soldats volontaires ne sont en fait pas candidats à l'immigration et repartent ensuite. En 2014, année de la guerre Bordure protectrice à Gaza, 3384 soldats seuls sont venus en Israël en provenance de 70 pays différents. C'est dix fois plus que l'année précédente. Trois de ces soldats seuls sont morts au cours des opérations.