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Les inégalités salariales, une entorse pour les sportives ?

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Par Une chronique d'Agathe Duclos et Lorraine Willocx pour Les Grenades

L’actualité sur les différences salariales dans le monde du sport bat son plein depuis la rentrée. A l’heure où ces inégalités sont dénoncées dans tous les domaines professionnels, le monde sportif semble, quant à lui, être épargné par ces indignations. En effet, à en croire les primes de la course cycliste Paris-Roubaix (30 000 euros pour le premier, 1 535 euros pour la première), il y a encore des points à marquer dans le vaste monde des inégalités salariales.

Mais d'où vient une telle différence ? Pourquoi est-ce encore accepté qu’une femme, qui s’entraine autant qu’un homme et qui fournit le même travail soit payée 20 fois moins ? Et surtout, quelles en sont les conséquences pour les sportives ?

Des sportives moins spectaculaires, moins rentables ?

On parle souvent de l'égalité dans les salaires. Je pense que ce n'est pas un truc qui marche dans le sport. Le tennis est le seul aujourd’hui où il y a la parité, alors que le tennis masculin reste plus attrayant que le tennis féminin”, déclarait Gilles Simon, tennisman, en 2012.


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Les sportives seraient donc moins intéressantes à regarder car considérées comme plus lentes, moins puissantes, moins spectaculaires ? Ou ne serait-il pas temps de changer notre regard sur le sport ? Car c’est bien là qu’est la source du problème. Le téléspectateur est habitué à un sport masculin, perçu comme le sport "neutre" et de référence. Les compétences sportives des femmes sont alors sans cesse comparées à celles des hommes, et leurs différences sont jugées comme des défauts.

Les matchs et compétitions féminines occupent moins de 10 % des programmes médiatiques sportifs. Tel un serpent qui se mord la queue, le manque de médiatisation entraîne ainsi un manque d'intérêt des téléspectateurs.

Les bénéfices d’une meilleure médiatisation seraient pourtant nombreux : plus d’intérêt chez les spectateurs et futures pratiquantes, plus d’investissement des sponsors car plus de visibilité et donc plus de financement pour le développement du sport pour toutes.

Rappelons-le, une sportive a les mêmes engagements que ses homologues masculins. Elle travaille parfois même plus pour en être là où elle est car elle a beaucoup plus de barrières devant elle (sous- médiatisation, manque de reconnaissance, de contrat professionnel, de moyens financiers et techniques). À travail égal, ne dit-on pas salaire égal ?

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Des sportifs pleins aux as, des sportives précarisées

Dans les sports où les inégalités sont les plus fortes, notamment les sports d’équipe considérés comme masculins, ces différences salariales sont responsables d’une grande précarité chez les sportives. Le football en est évidemment la meilleure illustration, avec des écarts ahurissants, comme en témoigne David Delferière, président du foot féminin belge : “Celles qui jouent en Belgique sont très loin d’être professionnelles. On doit comparer leur situation à celle des joueurs amateurs de deuxième provinciale. Bien sûr, je ne parle pas de la qualité, mais du salaire et de l’encadrement".

A l’heure où les sportifs professionnels peuvent subvenir à leurs besoins en vivant leur passion, les sportives, quant à elles, sont empêchées de se professionnaliser par manque de moyen. Leur salaire étant très limité, voire inexistant, elles doivent jongler entre entraînements et match, recherche de sponsors, vie professionnelle pour subvenir à leurs besoins, et parfois études et/ou vie familiale.

Melissa Plaza, ex-footballeuse professionnelle en témoigne dans son livre “Pas pour les filles”. Elle raconte ses semaines surchargées, entre entraînements, petits boulots, études universitaires et doctorat, tout en prenant des congés sans solde pour participer aux matchs et compétitions.


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Un mode de vie fatiguant et usant pour des sportives qui sont censées être à l’écoute de leur corps : “La situation économique m’est pénible et le quotidien infernal. Je n’arrive pas à apprendre mes cours le soir tellement je rentre épuisée”.

En plus de la fatigue, il faut gérer sa situation économique qui est parfois très précaire : "Une fois mes factures payées, et malgré les APL [aide personnalisée au logement], la bourse et mon faible salaire de footballeuse, il ne me reste plus que cinquante euros par mois pour manger et acheter de l’essence. Je fais face tant bien que mal à cette situation pour rogner le budget alimentaire, calculant à chaque repas ce que je peux m’offrir”.

Même constat dans le rugby. "Certaines finissent le travail à 19h pour aller à l'entraînement à 19h30, elles doivent courir. Ce sont des modes de vie compliqués à assumer et passer sur des contrats (semi-pro) soulagerait les filles", explique Romane Ménager, troisième ligne de Montpellier et des Bleues.

Un combat gagnant

Malgré tous ces obstacles, les sportives continuent d’augmenter leur niveau, et certaines d’entre elles se battent pour leurs droits. Billie Jean King, par exemple, s’est battue dans les années 70 pour l’égalité des primes dans le tennis, ce qui a encore des répercussions actuellement, le tennis étant un des sports les plus égalitaires. Anne-flore Marxer, moins connue, a obtenu l’égalité des primes dans le snowboard et l’inclusion des femmes dans les compétitions. Et plus récemment, c’est la footballeuse américaine Megan Rapinoe, et son équipe qui ont réussi à obtenir des contrats équivalents à ceux des hommes, après deux ans de poursuite judiciaire contre leur fédération pour discrimination salariale.

L’histoire nous montre ainsi la puissance de quelques pionnières, qui ont fait avancer l’égalité salariale dans le monde sportif. Mais il faut également que les sportifs prennent conscience de leurs privilèges et contribuent, eux aussi, à concrétiser cette égalité salariale.

 Les footballeurs Irlandais l’ont bien compris. Les joueurs de l’équipe masculine ont ainsi accepté de diminuer leurs primes lors de chaque rencontre afin que la Fédération utilise cette somme pour augmenter les primes de match des joueuses. Ils montrent ainsi qu’il est impératif de redéfinir les budgets et de les répartir différemment, de manière plus équitable.

Agathe Duclos et Lorraine Willocx font partie du Debrief du vestiaire, une page Facebook et une page Instagram qui traitent du sexisme dans le sport.

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.

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