Depuis le premier rapport du GIEC en 1990, les outils à disposition des scientifiques pour prédire l’évolution du climat ont drastiquement évolué. Le développement de nouvelles technologies a permis l’élaboration d’instruments plus précis et performants, ainsi que le stockage et la gestion d’un nombre impressionnant de données. En parallèle, les modèles élaborés se sont affinés et complexifiés, ils intègrent bien mieux les données récoltées, et peuvent donc gérer bien plus de variables.
Depuis 30 ans, la compréhension du climat terrestre dans sa globalité s’est donc terriblement améliorée, permettant le développement de nouveaux concepts. L’un d’entre eux suscite beaucoup d’intérêt auprès de la communauté scientifique : c’est celui des points de basculement (tipping point).
De quoi s'agit-il ? C’est le moment où un système dépasse le seuil au-delà duquel il passe à un nouvel état, sans pouvoir revenir en arrière. Un "tipping point" du quotidien serait de s’empêcher de manger ce délicieux donut bien qu’il nous fait terriblement envie, et lorsqu’on finit par craquer et croquer dedans, ne plus pouvoir faire autrement que de continuer à le manger. Une autre métaphore très éclairante est celle du jeu Junga, développée par Carbon Brief, site spécialisé sur le climat : dans cette tour formée par de l'empilement de pièces en bois rectangulaires, on peut enlever un certain nombre de pièces, à certains endroits, sans qu'elle ne s'effondre. Au fur et à mesure que l'on retire des pièces, la stabilité de la tour sera de plus en plus affectée, jusqu'à s'effondrer, quand la pièce de trop est retirée. Une seule suffit.
Pour le climat, le "tipping point", c’est un certain niveau de réchauffement au-delà duquel, par exemple, la calotte glacière du Groenland finirait par totalement fondre (dans un certain laps de temps).
Le GIEC aborde ce concept de manière transversale dans son dernier rapport, expliquant que des points de basculement peuvent arriver à plusieurs échelles, du régional à la Terre dans sa globalité. Et lorsque l’on considère le système climatique de la Terre dans sa globalité, certains chercheurs ont poétiquement appelés les éléments sensibles aux tipping points les "géants endormis". Car s’ils venaient à se réveiller, leur importance dans le système climatique ferait qu’ils auraient une influence considérable sur l’évolution du climat. Ces géants endormis sont aussi appelés "tipping elements", des éléments de basculement.