Monde Europe

Les États de l’Union européenne se préparent à acheter des obus en commun pour remplir leur stock

Les bourses européennes ont traversé un gros trou d’air cette semaine. Mais il y a un secteur de l’économie qui reste au beau fixe, l’industrie de l’armement. Si vous avez des économies, placez-les chez les marchands de canons. Leurs affaires marchent très très bien en ce moment. Tellement bien que Rheinmetall, le fabricant d’armes allemand va intégrer lundi le DAX, l’indice vedette de la Bourse de Francfort à la place d’une entreprise pharmaceutique. Tout un symbole.

Le contexte de la guerre en Ukraine leur est plutôt favorable

Après des années de disette, les États membres gonflent leur budget défense. Les importations d’armes en Europe ont quasiment doublé. Les Européens achètent à tout va : des sous-marins, des avions de combat, des drones, des missiles antichars, des munitions… notamment pour remplacer tout ce qu’ils ont déjà livré à l’Ukraine. Parce que pour armer Kiev, les Européens ont vidé leurs arsenaux.

Impossible d’affirmer que les stocks sont vides, secret-défense absolu, mais le manque d’investissement chronique des dernières années et le nombre de matériels et de munitions livrés à l’Ukraine laissent entrevoir la réalité : il n’y a plus grand-chose en rayon. Ce qui pose aujourd’hui un vrai problème sur le terrain.

Dans la région de Bakhmout, là où les combats font rage, les Ukrainiens tirent environ 7000 obus par jour quand les Russes en tirent 50.000. Et l’annonce la semaine dernière par le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, que l’Ukraine utilise plus d’obus que nous en produisons montre que c’est un peu la panique à bord.

 

Vers des achats en commun de munitions

L’idée mise sur la table par la Première ministre estonienne Kaja Kallas serait de réunir les États membres pour réapprovisionner leurs stocks d’armes. Le principe serait le même que pour ce qui a été fait avec les vaccins contre le Covid : acheter en commun du matériel dont tout le monde a besoin pour créer un effet de levier sur l’industrie et faire baisser les prix. Il y a encore quelques mois l’idée semblait totalement irréaliste… elle est aujourd’hui en train de prendre forme. Les 27 ministres de la Défense de l’Union devraient se mettre d’accord sur le principe lundi.

C’est un nouveau tabou qui saute. Acheter des armes en commun, ce n’est pas vraiment inscrit dans le projet européen. Encore moins dans les traités, mais ce n’est pas grave, en situation de crise, les États membres ont démontré qu’ils pouvaient trouver des solutions très rapidement. Reste à rajouter de l’argent au pot. Ce sera l’un des dossiers chauds qui se retrouvera sur la table des chefs d’État et de gouvernement réunis en sommet européen la semaine prochaine.

Les détails qui restent à régler

Le type d’armes concernées reste encore à définir mais les Européens vont sans doute commencer par le plus urgent. Des obus. Ceux qui font aujourd’hui cruellement défaut à l’artillerie ukrainienne. Avec des résultats concrets très rapides. Les premières livraisons pourraient déjà se faire dans les semaines qui viennent.

L’autre point qui reste à définir, c’est de savoir où les Européens vont aller faire leur marché. Aujourd’hui les États-Unis sont les grands gagnants de cette frénésie d’armes. 40% des importations d’armes dans le monde viennent des usines étasuniennes. L’Union européenne préférerait que les milliards d’euros que les Etats membres s’apprêtent à injecter bénéficient avant tout à leur industrie d’armement.

Mobiliser l’industrie européenne

Thierry Breton, le commissaire européen à l’Industrie, est précisément en train de faire la tournée des popotes. Comme au temps du Covid, il court d’usine en usine pour évaluer les possibles trous dans la raquette. Est-ce qu’il y a des risques de rupture de la chaine d’approvisionnement ? Est-ce qu’il y a des dépendances à des États tiers pour certains composants qu’il va falloir combler ? En tout cas, les usines ont compris le message. Elles ont déjà accéléré la cadence.

L’Europe de la défense est sur le point de franchir une nouvelle étape. C’est du jamais vu. Mais dans le même temps, c’est toute une économie de guerre qui est en train de se mettre en place dans un projet censé garantir la paix en Europe. Et ça aussi c’est du jamais vu.

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