Environnement

Les émissions de CO2 en graphiques dynamiques : le lien entre industrialisation et CO2 est clairement visible

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Par Marie-Laure Mathot avec Ambroise Carton

Cette datavisualisation n’est pas celle de l’éclairage public de nuit (même si on pourrait le croire en voyant la tache lumineuse que représente la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas), mais bien une cartographie des émissions de CO2. Plus c’est clair, plus les émissions sont importantes. Pour bien comparer, si vous mettez votre curseur tout à fait à droite, vous visualisez les émissions en 1970. Si vous le mettez complètement à gauche, ce sont les émissions en 2020.

Cette visualisation a été réalisée sur un modèle proposé par un scientifique de données géospatiales, Adam Symington. Nous l’avons recréée grâce à la disponibilité d’Edgar*, la base de données de la Commission européenne sur les émissions de gaz à effet de serre.

Emissions de CO2 dues aux transports, à la production d’électricité ou encore à l’industrie… il est possible de les "voir" toutes alors que ce gaz à effet de serre est inodore, incolore et a toujours fait partie de notre atmosphère. On voit également les émissions de dioxyde de carbone émis par les avions et les bateaux. C’est bien la première précaution à prendre pour interpréter cette cartographie, avise Cathy Clerbaux. Elle est professeure en science du climat à l’ULB et travaille pour Squares, le laboratoire de spectroscopie, chimie quantique et télédétection atmosphérique de l’ULB. 

Cela permet de voir les émissions les plus faibles

Première clé de lecture donc : "Il y a une saturation des couleurs élevées dans l’échelle ainsi qu’une échelle logarithmique. Cela permet de voir les émissions les plus faibles comme celles dues au transport mais cela veut dire que les valeurs les plus hautes ressortent très fort. Donc, au-delà d’une certaine valeur (82 000 tonnes), c’est blanc et il n’y a plus de graduation."

Le Benelux, gros émetteur

C’est pour cette raison que le Benelux ressortait très fort en 1970 et… reste dans la même échelle aujourd’hui. Quand on analyse les émissions de CO2 de la Belgique par exemple, nos émissions ont diminué depuis les années 70 mais cela n’est pas visible. Ce qui l’est par contre, c’est que nous avons toujours été de gros émetteurs, tout comme le reste de l’Europe.

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"Les émissions de CO2 descendent chaque année en Europe de plusieurs pourcents grâce au placement de filtres sur les véhicules automobiles, l’isolation des maisons, les efforts dans l’industrie etc. Chaque secteur s’améliore de quelques pourcents par an", explique Cathy Clerbaux.

"Quand on regarde l’évolution de la courbe, nous sommes revenus à des niveaux inférieurs aux années 70 mais c’est dans les années 80 que nous atteignons un pic. Voilà pourquoi la différence n’est pas énorme non plus entre les deux images en Europe."

Le CO2 augmente en même temps que l’industrie en Inde et en Chine

Et de souligner que si nous diminuons nos émissions en Europe, c’est aussi parce que nous avons délocalisé nos industries. En Chine et en Inde, la différence est perceptible. Peu lumineux en 1970, les deux pays sont clairement visibles sur la cartographie de 2020.

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C’est d’ailleurs tout le débat au moment des sommets sur le climat : comment répartir les efforts alors que l’Europe a longtemps été un gros pollueur pendant une période où la question climatique n’existait pas encore ? De plus, si l’on peut calculer les émissions en fonction des activités humaines dans l’absolu, on peut aussi les répartir par nombre d’habitants. Et là, les pays comme la Chine et l’Inde ont des émissions moins importantes ou commencent seulement depuis quelques années à atteindre les niveaux européens de CO2 par habitant.

Le rapport entre industrialisation et émissions de CO2

Mais en fait, quel est le lien entre industrialisation et émissions de CO2 ? "Cela est dû à la multiplication des transports, au fait que les gens consomment plus, voyagent plus, ont plus de voitures, se chauffent plus… améliorent leur situation socio-économique, en fait", répond Cathy Clerbaux.

"C’est aussi dû à l’extraction de carbone fossile", ajoute Célia Sapart. Cette ancienne scientifique de l’ULB est directrice scientifique de CO2 Value Europe. Le carbone fossile est le CO2 contenu dans la terre sous forme de charbon, de pétrole ou de gaz naturel. Bref, tout ce que nous utilisons pour nous chauffer, produire les objets et aliments que nous utilisons, mangeons tous les jours.

Le problème, c’est qu’on va chercher énormément de carbone qui vient des profondeurs de la terre et qu’on le remonte à la surface

"Il y a du CO2 dans les fumées des usines mais aussi dans l’utilisation et la production de fertilisants dans l’agriculture… tous les produits chimiques de base utilisent du carbone fossile. Le problème, c’est qu’on va chercher énormément ce carbone qui vient des profondeurs de la Terre et qu’on le remonte à la surface. Ainsi, on a totalement dérégulé le cycle du carbone dans l’atmosphère qui n’est pas problématique à la base. Mais qui le devient en réchauffant l’atmosphère."

Ainsi, que l’on regarde l’Europe, l’Inde, la Chine ou les États-Unis, le constat reste le même au regard de cette cartographie : ce sont les plus gros émetteurs de CO2, les plus gros pollueurs par rapport aux pays situés dans l’hémisphère sud.

L’accord de la COP27

C’est la plus-value de cette visualisation pour Célia Sapart. "C’est exactement ce qui a été discuté à la COP27 avec la décision de mettre en place un fonds consacré aux pertes et préjudices des pays en développement face au changement climatique. Il est destiné à rembourser les pays qui sont les moins responsables. C’est presque un miroir. Les pays les plus vulnérables sont ceux qui émettent le moins. Et ceux qui émettent le plus sont les moins exposés aux changements climatiques. C’est là aussi que l’argent se trouve."

Et de souligner que des efforts sont faits. "Même s’il existe des émissions encore très importantes notamment dues à la combustion de charbon pour produire l’électricité en Chine, le pays a développé la ligne de chemin de fer la plus propre au monde", prend pour exemple Célia Sapart.

En Europe aussi. "La réglementation sur la déforestation importée est un point d’avancée." Car si les émissions dues à la déforestation ne sont pas reprises sur cette carte, c’est un gros facteur d’augmentation de CO2. Interdire les produits issus de la destruction des forêts va donc dans le bon sens pour la chercheuse.

Autre avancée européenne issue du green deal selon Célia Sapart : les entreprises polluantes qui décident de se délocaliser hors de l’Union européenne doivent payer des taxes si elles veulent importer leurs produits en Europe. "Cela permet de garder les industries en Europe et de les soumettre à des quotas d’émissions de CO2 (système ETS) et donc de trouver des solutions. Les taxes qu’ils payent pour polluer sont ensuite réinjectées dans l’innovation pour trouver des solutions. Tous les secteurs vont y être soumis, même l’aviation qui bénéficiait d’exceptions."

Les transports toujours plus émetteurs de CO2

C’est aussi une des émissions visibles sur cette carte, comme on l’a dit, grâce à l’échelle utilisée : les routes sont bien visibles. On voit clairement qu’elles se sont multipliées entre 1970 et 2020 entre les continents, notamment autour des États-Unis. On constate aussi que les transports routiers sont davantage utilisés, dans le nord de l’Afrique par exemple.

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Dans l’Union des 27, les tonnes de CO2 par habitant imputées au transport sont passées de 363 millions à 695 en 2020 (année Covid) et étaient à 798 millions en 2019. Ainsi, la part des émissions de CO2 due au transport n’a fait que grandir au fur et à mesure.

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"Le positif, c’est qu’aujourd’hui, on peut 'voir' ces émissions de CO2", conclut Cathy Clerbaux. "Quand j’ai commencé à travailler dans ce domaine il y a 30 ans, c’était impossible de voir cela. Aujourd’hui, nous avons énormément d’outils pour le faire, même par satellite, on peut le voir. Chacun est donc surveillé et plus aucun pays ne peut mentir sur ses émissions. Cela met une pression sur les États émetteurs et nous oblige à prendre les choses en main."


 

Une base de données nommée Edgar

Pour créer ces visualisations, nous avons travaillé à partir de la base de données de la Commission européenne dont l’acronyme est Edgar (Emissions Database for Global Atmospheric Research, base de données sur les émissions pour la recherche atmosphérique mondiale). Nous avons repris les données les plus anciennes (1970) et les plus récentes (2020).

Nous avons choisi parmi les émissions de gaz à effets de serre directs de ne reprendre que le dioxyde de carbone, le CO2.

La base de données géographique européenne a été construite à l’aide d’ensembles de données spatiales indiquant l’emplacement des installations énergétiques, les usines, les réseaux routiers, les routes de navigation, la densité de la population humaine et animale et l’épandage sur les terres agricoles, qui varient dans le temps. Par contre, elle ne prend pas en compte la déforestation.

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