Le Kazakhstan abrite de nombreuses installations de minage de Bitcoin. Il s’agirait même du deuxième pays producteur au monde après les Etats-Unis. Alors, quand le président décide de couper Internet en réponse aux émeutes qui secouent le pays depuis le début de l’année, pas étonnant que la cryptomonnaie dégringole.
Le Bitcoin commence l’année 2022 par une baisse de plus de 10% sur les premières séances de l’année. La faute au dernier procès-verbal de la réunion de la Réserve fédérale américaine (FED)… et à la crise au Kazakhstan ?
Pas d’Internet, pas de Bitcoin
Depuis le 2 janvier, c’est le chaos dans le deuxième pays plus gros mineur de Bitcoin. De violentes émeutes ont éclaté après la hausse brutale du prix du gaz, faisant une "dizaine" de morts et plusieurs milliers de blessés.
Face à la contestation populaire, le président Kassym-Jomart Tokaïev a décidé de couper l’accès à Internet, laissant pantois les mineurs de Bitcoin.
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"Et comme l’Internet a été coupé mercredi, la puissance de calcul mondiale du bitcoin s’est effondrée de façon assez spectaculaire", explique Tom Wilson, correspondant de Reuters en matière de cryptomonnaies.
L’exode des mineurs
Cela ne fait pas si longtemps que le Kazakhstan s’illustre dans le marché du bitcoin. Tout a commencé lorsque la Chine décide de lutter contre le minage et les transactions de cryptomonnaies.
De nombreux mineurs ont donc quitté la Chine pour d’autres pays, dont le territoire kazakh. "Il y a eu un réel exode des mineurs vers le Kazakhstan", confirme Camille Baudoncq, avocate chez Eubelius.
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Ce choix ne s’explique pas par hasard. Les mineurs cherchaient des pays où l’électricité est bon marché. C’est le cas au Kazakhstan où le charbon représente l’une des principales sources d’électricité. "Il fait aussi très froid, ce qui permet de refroidir toutes ces machines", ajoute Camille Baudoncq.
A noter que pour toutes ces raisons, les mineurs chinois ne sont pas les seuls à s’être installés au Kazakhstan.
En août, le Kazakhstan représentait environ 20% de la puissance de calcul mondiale du bitcoin
C’est ainsi que le Kazakhstan est devenu une place forte pour le bitcoin. "Un rapport de l’Université de Cambridge de l’année dernière a montré qu’en août, le Kazakhstan représentait environ 20% de la puissance de calcul mondiale du bitcoin. Ce chiffre est en hausse par rapport aux 8% d’avril, ce qui signifie que le nombre de mineurs de cryptomonnaies au Kazakhstan a augmenté assez rapidement", analyse Tom Wilson.
Les déclarations de la FED
Il ne faudrait cependant pas réduire cette chute du Bitcoin aux seules émeutes frappant le Kazakhstan. Il s’agirait là d’un gros raccourci.
"Les émeutes ont bien eu une influence sur le cours du bitcoin avec une baisse de 5%", confirme Camille Baudoncq. Mais d’après elle, les récentes annonces de la Réserve fédérale américaine jouent un rôle majeur dans la santé actuelle du bitcoin.
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En effet, la publication du procès-verbal de la dernière réunion de la FED indique que les taux d’intérêt américains pourraient être relevés plus tôt que prévu. Si ces taux remontent, les investisseurs auront tendance à délaisser les investissements plus risqués, comme dans les cryptomonnaies.
Les monnaies fiables ont également subi les conséquences de ces annonces-là
Ces annonces n’ont d’ailleurs pas manqué de bousculer les marchés traditionnels. "Les monnaies fiables, autrement dit les monnaies fiduciaires, ont également subi les conséquences de ces annonces-là", tient-elle à rappeler.
Une monnaie sensible à la géopolitique
Cet événement rappelle le caractère volatile de cette monnaie virtuelle, qui risque d’ailleurs de l’être encore plus.
"Jusqu’à présent, le bitcoin n’a pas vraiment été touché par les mêmes facteurs géopolitiques que ceux qui peuvent affecter d’autres classes d’actifs, qu’il s’agisse d’actions, d’obligations, de matières premières, etc. Mais depuis le début de l’année dernière, le bitcoin s’est imposé dans l’agenda des investisseurs", remarque Tom Wilson.
L’attitude des gouvernements et des régulateurs financiers à l’égard des cryptomonnaies peut avoir un impact réel sur les marchés
"Il est encore difficile de savoir dans quelle mesure les facteurs géopolitiques influent sur ce phénomène. Mais ce qui s’est passé récemment au Kazakhstan et la répression plus large des cryptomonnaies par la Chine l’année dernière montrent que l’attitude des gouvernements et des régulateurs financiers à l’égard des cryptomonnaies peut avoir un impact réel sur les marchés des cryptomonnaies", conclut le correspondant.