Les droits des LGBTQ + ont-ils progressé dans le monde ? Bilan 2019

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Par L.Vandormael

En regardant dans le rétroviseur de 2019, force est de constater que cette année a été plutôt contrastée pour les membres de la communauté LGBTQ +. LGBTQ+, qui englobe l'ensemble des identités: L pour lesbienne, G pour gay, B pour bisexuel, T pour transgenre et Q pour "Queer" pour une personne qui ne se reconnaît pas dans la sexualité hétérosexuelle, ou ne se sent pas appartenir à un genre bien défini.

Dans certains Etats, être une personne LGBTQ + peut mener à la case prison, alors que dans d’autres, le mariage entre deux personnes du même sexe est autorisé par la loi. C’est le cas notamment de Taïwan. Cet Etat souverain a largement voté une loi permettant aux couples homosexuels de former "des unions permanentes exclusives " ainsi qu’une clause qui les autorise à demander une inscription par l’administration au " registre des mariages ". Il s’agit d’une première sur le continent asiatique. C’est le cas aussi de l’Autriche, qui a légalisé le mariage pour tous, le 1er janvier 2019, rejoignant ainsi d’autres pays européens, dont la Belgique.

La parole des personnes LGBTQ + s’est libérée

Dans certains pays, il y a également eu des petites avancées. En Tunisie, Mounir Baatour, un avocat homosexuel, a pu déposer sa candidature à l’élection présidentielle en août 2019. Une première dans le monde arabe. Chez nous, de nouveaux refuges pour accueillir les personnes LGBTQ + ont ouvert à Liège, et à Mons, dans la foulée de celui mis en place à Bruxelles, en 2018. L’objectif de ces structures est de venir en aide aux jeunes reniés par leur famille et leur proche à cause de leur orientation sexuelle et/ou de leur genre. Outre ces faits, une avancée majeure en 2019 a été une certaine libération de la parole au sein de cette communauté. " Il y a des actes homophobes, évidemment, une homophobie qui augmente, mais est ce qu’elle augmente, ou est ce que c’est parce que les personnes homosexuelles osent maintenant porter plainte ? Est-ce que l’homophobie se voit plus, choque plus ? Je crois qu’il y a un mélange des deux. Je crois aussi qu’il y a maintenant des personnes qui souffrent, qui subissent des discriminations, mais qui osent le dire, qui ose aller à la police pour déposer plainte, ou téléphoner à Unia pour dire qu’elles ont été victimes d’homophobie, alors qu’avant, ce n’était même pas pris en compte", précise Valérie Piette, historienne et professeure en histoire de genres à l’ULB.

La photo d’un baiser entre deux hommes du milieu du sport

Pour elle, l’aspect sportif a également joué un rôle important en 2019 dans une certaine libération de la parole des LGBT. "Au mois de mai, le journal "L’Equipe" en France a mis en Une la photo d’un baiser entre deux hommes du milieu du sport, avec le slogan "Embrassez qui vous voulez". C’était donc le monde sportif qui mettait en avant l’homophobie dans le sport. Alors, il y a eu des tensions autour de cette Une de l’Equipe qui était une Une très forte. Le responsable d’un kiosque à Paris a même refusé de vendre l’Equipe à cause de ce baiser entre deux hommes. Mais, on ose questionner l’homophobie dans le sport, et on questionne de plus en plus ces sportifs qui n’osent pas vivre leur vie ouvertement, et doivent continuellement se cacher. Un mois après, c’était le mondial de foot féminin avec Megane Rapinoe, une footballeuse lesbienne, qui est devenue une icône. Donc, cet aspect sportif a changé", avance notre historienne.

 

 

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Il y a également eu des évolutions dans le secteur culturel. Des films osent montrer des images de couples gays à l’écran ou à parler ouvertement d’homosexualité. C’est le cas de la série diffusée sur Netflix, "sex education". Le personnage d’Eric, interprété par Ncuti Gatwa, est homosexuel. Au cinéma, le dernier épisode de la saga "Star Wars", sorti récemment dans les salles, met en scène un baiser lesbien. C’est la première fois que Walt Disney met à l’écran un baiser lesbien. Selon Valérie Piette, c’est une initiative positive. " C’est important pour les jeunes aujourd’hui de voir des héros vivre leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, d’avoir des héros ou héroïnes qui ne soient pas hétérosexuels."

En comparaison, les agressions et peines de prison pour les LGBTQ + ne cessent pas

Voilà pour les progrès en 2019. En parallèle, être homosexuel, lesbien, transgenre, ou bisexuel, est synonyme de délit dans plusieurs pays. En Afrique, sur 45 pays en Afrique subsaharienne, 28 disposent encore de législations interdisant ou réprimant l’homosexualité. Dans l’Union européenne, 6 pays ne reconnaissent aucune forme d’union pour les couples homosexuels : la Slovaquie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Bulgarie, et la Pologne. En 2019, des régions, des départements ou des municipalités ont adopté des résolutions pour déclarer qu’ils étaient "libres" de ce qu’ils appellent "l’idéologie LGBTI". Dans ces zones "libres de l’idéologie LGBTI", les propriétaires d’entreprises peuvent refuser de servir une personne LGBTI, ou n’importe qui, si cela limite leur "liberté religieuse". Environ 80 communes font partie de ces "zones sans LGBTI" en Pologne.

La Russie reste également un pays hostile aux personnes de la communauté LGBTQ +. Certains manifestants ont été arrêtés lors d’un rassemblement à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, à Saint-Petersbourg, en mai dernier. Par ailleurs, la mairie de Moscou a rejeté quatre demandes de manifestations, dont une gay pride. En novembre 2019, la Cour européenne des Droits de l’homme avait condamné Moscou pour l’interdiction de manifestations LGBTQ +. Au Brésil, l’élection de Jaïr Bolsonaro a provoqué la fuite de plusieurs personnes LGBTQ +. L’homophobie est très présente dans les discours du président brésilien.

Enfin, l’homosexualité reste un crime passible de peine de mort dans 11 Etats, exclusivement sur les continents africain et asiatique : Yémen, Somalie, Arabie Saoudite, Iran, Mauritanie, Nigeria, Pakistan, Qatar, Soudan et Afghanistan. "On a quand même, cette année aussi, en 2019, une poussée de partis extrêmement conservateurs, voire d’extrême droite, des régimes autoritaires un peu partout dans le monde, et ces régimes n’ont jamais été favorables aux minorités, quelles qu’elles soient, et sûrement pas à la communauté LGBT. Et donc, là, il est évident qu’on est face à une augmentation de l’homophobie, qui devient une homophobie étatique, officielle. Je sais que la communauté LGBT a extrêmement peur, et notamment au Brésil. Certains quittent le pays aujourd’hui, alors qu’on disait que le Brésil était un des pays d’Amérique les plus ouverts sur ces questions-là. Il suffit d’un Bolsonaro au pouvoir pour mettre à mal beaucoup de choses. Comme quoi ces droits peuvent très vite bouger, et c’est cela qui peut faire peur", affirme la professeure de l’ULB.

Des avancées, oui, mais il y a encore du pain sur la planche

D’après elle, il reste encore beaucoup à faire dans la lutte en faveur des droits des personnes LGBT, même si les mentalités sont en train de bouger petit à petit. "Je pense que c’est par l’éducation, la lutte contre l’homophobie ordinaire, que les choses peuvent bouger. Cette année, le mot d’ordre de la Gay Pride, en Belgique, était "all for one", un slogan qui touchait véritablement à l’intersectionnalité, c’est-à-dire les personnes qui souffrent, qui subissent, différentes discriminations au sein des minorités homosexuelles. Je parle ici des minorités qui ont été oubliées au sein des minorités homosexuelles. Ce sont les femmes, les femmes lesbiennes issues de l’immigration,… Et il y a là, des choses qui bougent. En Belgique, il y a aussi encore des questions autour du don du sang. Si vous êtes homosexuel, il est encore difficile de donner son sang. Il y a donc encore des petites choses qui doivent être améliorées, mais elles sont en train de changer. Et, je crois que c’est par la visibilité que les mentalités envers la communauté LGBT changeront. Il faudrait en parler tout le temps, en réalité."

Et c’est bien la libération de la parole des personnes LGBTQ + qui marquera l’année 2019. A l’image du mouvement #Metoo qui a incité davantage de femmes, à porter plainte, les LGBTQ + ont aussi moins peur de dénoncer les agressions dont elles ou ils ont été victimes. C’est déjà un grand pas de franchi pour qu’un jour, personne ne soit plus emprisonné, agressé, insulté, arrêté, car elle est lesbienne, gay, transgenre, bisexuelle ou intersexe.

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