Les critiques d'Hugues Dayez

Les critiques d’Hugues Dayez : "She Said", "Les femmes du Président" ?

She Said, avec Carey Mulligan et Zoe Kazan

© Photographie Courtesy of Universal Studios. All Rights Reserved

Par Hugues Dayez via

Comme le film "Les hommes du président" en 1976 retraçait comment Bob Woodward et Carl Bernstein (incarnés par Robert Redford et Dustin Hoffman) révélaient le scandale du Watergate dans les pages du "Washington Post", "She said" raconte l’enquête de Megan Twohey et Jodi Kantor (incarnées par Carey Mulligan et Zoe Kazan), journalistes au New York Times, qui a fait tomber le producteur de cinéma Harvey Weinstein en 2017.

She Said

She Said

Depuis cinq ans, les répercussions de ce scandale se font encore sentir, avec la montée en puissance du mouvement #MeToo et les plaintes pour harcèlement qui se sont multipliées dans le milieu du show-business, déboulonnant bon nombre de statues. Aujourd’hui, c’est un grand studio hollywoodien, Universal, qui s’intéresse à la genèse de ce scandale dans "She said". Harvey Weinstein, patron avec son frère du studio Miramax, véritable "faiseur de rois" à la ville, prédateur sexuel dans le privé, semblait intouchable tant son pouvoir d’influence était grand.

C’est ce que montre d’emblée "She said" : Jodi Kantor et Megan Twohey, qui vont s’associer pour mener cette enquête, se heurtent à un obstacle de taille : si plusieurs anciennes actrices ou collaboratrices de Weinstein acceptent de raconter les sévices qu’elles ont subis, c’est toujours "off micro", car l’homme a le bras tellement long qu’elles redoutent les représailles… Ou alors elles ont accepté de recevoir des indemnités de Miramax en échange de leur silence.

La réalisatrice Maria Schrader (révélée par le succès de la série "Unorthodox") ne s’embarrasse pas d’effets de style et se met complètement au service de son sujet, qui est double. Primo, retracer, à travers une série de témoignages le "système Weinstein" qui lui a garanti l’impunité pendant tant d’années ; secundo, montrer les défis du journalisme d’investigation, à savoir convaincre les témoins de s’exprimer au micro, faire réagir le principal incriminé, résister aux pressions… Et ne pas se faire doubler par un concurrent enquêtant sur le même dossier, à savoir Ronan Farrow pour "The New Yorker". A une époque où ce journalisme de qualité est menacé en permanence par les fake news, " She said " n’est pas un film inutile.

SHE SAID

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La conspiration du Caire

La Conspiration du Caire

Adam, modeste fils de pêcheur, parvient grâce à une bourse à intégrer la prestigieuse université islamique Al-Azhar, au Caire. Peu de temps après son arrivée, le grand imam de l’institution décède, ce qui provoque une guerre de succession. L’Etat égyptien a choisi son candidat, mais redoute une conspiration interne à l’université. De fil en aiguille, Adam va être choisi comme "taupe", comme source d’information pour les services secrets qui entendent bien contrôler la situation. Lui qui rêvait d’entrer dans le monde du savoir, il devient malgré lui le jouet de forces contraires…

A la fois inspiré par "Le Nom de la Rose" et les romans de John Le Carré, le cinéaste Tarik Saleh réussit un thriller d’espionnage palpitant dans un univers forcément totalement inconnu du public occidental. Pour la petite histoire, son projet transgressif a tellement déplu aux autorités égyptiennes qu’il a été contraint de déplacer son tournage en Turquie. Mais le résultat est bluffant, et "La conspiration du Caire" a remporté un Prix du scénario très mérité au dernier festival de Cannes.

La Conspiration du Caire

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The Menu

The Menu

Douze convives richissimes ont réservé une table pour un repas gastronomique dans un restaurant huppé, implanté sur une petite île au large d’une petite ville américaine. Sur place, le chef Slowik (impeccable Ralph Fiennes) règne en maître sur sa brigade, en véritable gourou de la gastronomie. Mais ce dîner sophistiqué va révéler bien des surprises, de plus en plus cruelles…

A mi-chemin entre le huis clos façon "Dix petits Nègres" d’Agatha Christie et la cruauté de "Squid Game", "The Menu" est un film à suspense divisé non pas en chapitres, mais en succession de plats. Si les rebondissements sont parfois un tantinet artificiels et fleurent bon le brainstorming des deux scénaristes (Seth Reiss et Will Tracy), ne boudons quand même pas notre plaisir : "The Menu" regorge de trouvailles divertissantes. Et, en filigrane, fait un sort aux millionnaires sans scrupule qui dominent le monde.

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Bones and all

Bones and all

L’Amérique du Midwest, dans les années 80. Maren, adolescente, vit dans une modeste caravane avec son père. Lorsque ce dernier constate, découragé, qu’il n’a pas réussi à éradiquer les instincts cannibales de sa fille, il décide de disparaître dans la nature. Livrée à elle-même, Maren va partir à la recherche de sa mère. Sur son chemin, elle va croiser la route de Lee, un bel adolescent qui partage ses pulsions animales…

Le cinéaste italien Luca Guadagnino retrouve sa star de "Call me by your name" Timothée Chalamet, pour ce road movie transgressif. Le réalisateur des remakes de "Suspiria" et de "La piscine" lorgne cette fois vers "La balade sauvage" de Terrence Malick, mais en version gore. Etonnamment, Guadignino a reçu le Lion d’Argent de la meilleure mise en scène pour "Bones and all", qui ressemble plus à un exercice de style et un pastiche de film américain indépendant qu’à une véritable œuvre personnelle. Sans être déshonorant, le film est faussement original et charrie pas mal de poncifs. Quant à Chalamet, cantonné à jouer ici une variation macabre de l’adolescent romantique qui brûle ses vaisseaux, il ne surprend guère.

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Rimini

Rimini

Richie Bravo est un chanteur de charme sur le retour, qui gagne péniblement sa vie en assurant des récitals en solo l’après-midi pour des touristes du troisième âge, dans des hôtels miteux de Rimini, en hiver, sur la côte Adriatique. Pour mettre du beurre dans les épinards, Richie n’hésite pas à faire le gigolo pour quelques vieilles admiratrices… Mais un jour, sa fille Tessa – qu’il a abandonnée depuis belle lurette – lui réclame tout l’argent qu’il ne lui a jamais versé. Richie est aux abois : comment la satisfaire, enfin ?

L’Autrichien Ulrich Seidl, déjà auteur d’une dérangeante trilogie ("Paradis"), est un cinéaste radical, n’hésitant pas à filmer de manière frontale une réalité glauque et des personnages veules. Mais il le fait avec un vrai point de vue, sans concession, traquant derrière les apparences déprimantes les parcelles d’humanité. Son Richie est un antihéros, un pauvre type auquel, malgré tout ses défauts, on ne peut s’empêcher de s’intéresser. Avec un style visuel lent, souvent composé de plans fixes, "Rimini" n’est pas un film facile. Mais c’est un film qui s’imprime dans la mémoire du spectateur ; impossible d’oublier Richie Bravo, campé par un fabuleux Michael Thomas.

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Avalonia

Avalonia

Avalonia est une petite cité au mode de vie archaïque, protégé par un cirque montagneux. Jaeger Clade, explorateur viril, veut entraîner son fils Searcher à découvrir ce qui se cache derrière ces montagnes. Dans leur périple, le fils découvre une plante miraculeuse, qui peut alimenter en électricité toute la vallée. Searcher retourne à Avalonia, tandis que Jaeger décide, en solo, de continuer son exploration… Vingt-cinq ans plus tard, Searcher est devenu un agriculteur et lui-même un père de famille comblé. Mais la plante qu’il a découverte est menacée par un mystérieux virus, et pour le combattre, la famille Clade va devoir elle-même monter une expédition pour trouver la source du mal.

On connaît les efforts démesurés du groupe Disney pour améliorer son image de "WASP/ White power company" et pour se montrer plus multiculturel et plus inclusif. Son nouveau film d’animation "Avalonia" coche maladroitement toutes les cases : Searcher Clade est marié à une Afro-Américaine, son fils métis est homosexuel, leur chien est handicapé… Etc. Cerise sur le gâteau – sans dévoiler le dénouement — le film délivre un message sur la nécessité impérieuse de respecter les ressources naturelles de notre planète. L’intention est sans doute louable, mais le film, à force de multiplier les signaux "regardez comme Disney a changé !", est lourdingue et esthétiquement calamiteux.

Avalonia, l’Étrange Voyage

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