Les critiques d'Hugues Dayez

Les critiques d’Hugues Dayez : "Empire of light", un nouveau bijou signé Sam Mendes

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Par Hugues Dayez via

Cinéaste révélé par "American Beauty" en 2000, réalisateur virtuose de films marquants ("Skyfall", peut-être le meilleur James Bond, "1917"), Sam Mendes revient avec une œuvre intimiste et très personnelle, "Empire of light".

Empire of light

L'affiche de "Empire of light"

Margate, ville côtière du Kent, au début des années 80. Hilary (Olivia Colman) est chef de salle dans un grand cinéma du bord de mer, ancien palace qui a beaucoup perdu de son lustre d’antan. Célibataire maniacodépressive, cette femme entre deux âges n’a pour horizon sentimental que de se faire culbuter dans un bureau par le directeur du complexe, Mr Ellis (Colin Firth). C’est alors que débarque une nouvelle recrue, Stephen (Micheal Ward). Sa jeunesse, sa beauté impressionnent la petite équipe ; entre ce garçon d’origine africaine et Hilary va naître une idylle inattendue et secrète… Mais avec quelles conséquences ?

Sam Mendes avoue avoir grandi avec une mère bipolaire, et s’être inspirée de celle-ci pour créer le personnage d’Hilary. Une fois de plus, Olivia Colman s’y révèle bouleversante. "Empire of light" n’est pas une banale histoire d’amour ou d’initiation d’un jeune homme par une femme d’âge mûr. C’est un hommage au pouvoir magique de la salle de cinéma d’antan, c’est une chronique de l’Angleterre des années Thatcher, marquées par un climat social dur et l’émergence des skinheads, c’est un portrait de groupe où chaque second rôle est bien dessiné (Toby Jones, en vieux projectionniste nostalgique, est formidable). Fresque émouvante traversée par une mélancolie et un humour doux-amer, magnifiquement éclairée par Roger Deakins (sans doute le plus grand chef opérateur actuel), "Empire of light" est un diamant brut.

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The Whale

L'affiche de "The Whale"

Charlie, victime d’obésité morbide, vit reclus dans son appartement, d’où il donne par internet des cours de littérature anglaise. Il y a longtemps, Charlie a quitté sa femme et sa fille de huit ans parce qu’il est tombé amoureux d’un de ses étudiants, décédé depuis. Inconsolable, l’homme a tenté d’oublier son deuil en se réfugiant dans les excès de nourriture. Devenu pachydermique, il ne peut plus bouger de chez lui, recevant quelques visites d’une amie infirmière. Sentant venir sa fin prochaine, Charlie n’a qu’un seul souhait : se réconcilier avec sa fille – mais celle-ci, devenue une grande adolescente, reste terriblement fâchée contre lui…

"The Whale", huis clos filmé pendant le confinement par Darren Aronofsky, est l’adaptation (par l’auteur lui-même) d’une pièce de théâtre de Samuel Hunter. L’origine théâtrale du film est manifeste ; les visites reçues par Charlie (sa fille, l’infirmière, sans oublier un personnage un peu superflu de jeune prédicateur…) permettant évidemment de dynamiser une mise en scène centrée sur un personnage principal quasi condamné à l’immobilité.

Heureusement, le danger d’artificialité de ce dispositif est compensé par la prestation hallucinante de l’acteur principal Brendan Fraser. L’ancien acteur athlétique de "La Momie" et de "George of the jungle", disparu des écrans après une dépression provoquée par un harcèlement sexuel et des douleurs physiques, opère ici un retour miraculeux. Il est évidemment méconnaissable sous des tonnes de prothèses, mais il parvient, avec les inflexions de sa voix et la profondeur de ses regards, à communiquer admirablement la détresse de son personnage principal… Avec un Oscar à la clé ?

The Whale

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La syndicaliste

L'affiche de 'La syndicaliste"

C’est une affaire qui a défrayé la chronique en France il y a dix ans. En 2012, Maureen Kearney, Irlandaise installée en France, est devenue une femme puissante, à la tête du syndicat du grand groupe industriel Areva, spécialisé dans l’énergie nucléaire. Tandis que la boss du groupe Anne Lauvergeon s’apprête à être débarquée par le président Sarkozy, Maureen Kearney apprend par une "taupe" qu’un plan, mené par le rival EDF, s’apprête à placer Areva sous le contrôle de patrons chinois… La syndicaliste devient alors lanceuse d’alerte. C’est dans ce contexte explosif que Maureen Kearney est sauvagement agressée à son domicile par des hommes masqués. Femme de caractère, elle parvient à se relever de ce traumatisme, jusqu’à susciter la méfiance des enquêteurs : a-t-elle manigancé cette agression de toutes pièces ?

A l’heure où l’écoute de la parole des femmes est au cœur de nombreux débats, pas étonnant que Jean-Paul Salomé ait eu envie de se replonger dans "l’affaire Kearney". La stakhanoviste des tournages Isabelle Huppert s’est emparée du rôle, intéressée par l’ambiguïté qui a longtemps plané sur cette syndicaliste de choc : victime ou coupable ? Il en résulte un thriller politique plutôt intéressant, filmé honnêtement par Salomé, mais sans génie.

La Syndicaliste

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L’envol

L'affiche de "L'envol"

Un petit village du Nord de la France, à l’orée des années 1920. Juliette, dont la mère est morte quand elle était encore bébé, grandit avec son père, modeste ébéniste, rescapé de la Grande Guerre. Elle grandit dans le dénuement et la solitude – son papa est pauvre et rejeté dans le village – mais développe un tempérament solaire, habité par la musique et l’amour de la nature…

Le réalisateur Pietro Marcello, avec "L’envol", a l’ambition manifeste de signer un film poétique sur l’éveil d’une jeune fille. Paradoxalement, c’est quand il dresse le portrait de son père – incarné par une véritable "gueule" du cinéma français, Raphaël Thiery, qui crève l’écran – qu’il y parvient le mieux, en filmant le travail de cet homme déclassé, maintenu vivant par l’amour pour sa fille. Par contre, quand il filme Juliette – un nouveau visage, Juliette Jouan -, il surligne ses intentions de verser dans le "réalisme magique", avec l’intervention d’une mystérieuse sorcière (Yolande Moreau, égarée dans l’aventure), totalement plaquée et artificielle.

En résulte un film bancal, traversé par quelques moments émouvants… et de solides maladresses.

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