Les critiques d'Hugues Dayez

Les critiques d’Hugues Dayez : "Belfast", le film le plus personnel de Kenneth Branagh

Buddy (Jude Hill) commence à percevoir que le monde est plus complexe que ses jeux.

© Rob Youngson/Focus Features

Par Hugues Dayez

Après avoir moult fois porté Shakespeare à l’écran, après s’être frotté au monde des super-héros (" Thor "), après avoir massacré Agatha Christie (" Le crime de l’Orient-Express " et " Mort sur le Nil "), Kenneth Branagh raconte son enfance en Irlande dans " Belfast "

Photo d’illustration du film "Belfast" de Kenneth Branagh.
Photo d’illustration du film "Belfast" de Kenneth Branagh. © Rob Youngson/Focus Features

Eté 1969. Buddy est un petit garçon insouciant qui grandit dans un quartier populaire de Belfast, entouré de ses parents et de ses grands-parents. La rue est son terrain de jeu, il est amoureux de sa petite voisine. Mais tout change lorsque ce quartier se transforme en champ de bataille, et devient un terrain d’affrontement entre protestants et catholiques. Buddy ne comprend pas grand-chose à ce conflit, mais ressent bien la tension dans la famille : alors que son père, qui travaille déjà loin de la ville, veut déménager au plus vite, sa mère est angoissée à l’idée de quitter ses racines. Rester ou partir ? That’s the question… Et ce n’est pas Buddy, à neuf ans, qui va choisir la réponse.

A 61 ans, Kenneth Branagh signe – enfin – un film personnel. Entre ses adaptations diverses et ses films chez Disney (" Cendrillon ", " Artemis Fowl "), on se demandait si le wonder boy du théâtre anglais des années 90 avait encore la moindre velléité d’auteur. De son propre aveu, le confinement provoqué par la pandémie a rouvert chez lui une porte, celle de son enfance. Le résultat, c’est " Belfast ", une chronique familiale largement autobiographique, tournée en noir et blanc avec quelques complices (la fidèle Judi Dench dans le rôle de la grand-mère de Buddy) et des nouvelles têtes (la belle Caitriona Balfe, révélée par la série " Outlander ", dans celui de la mère). La démarche et le film de Branagh font penser à un autre film anglais, " Hope and Glory " de John Boorman racontait, lui aussi, ses souvenirs d’enfance – mais c’était pendant le Blitz.

" Belfast " n’est pas un film révolutionnaire, mais c’est une chronique d’une touchante sincérité, portée par un casting séduisant. Le film a déjà valu le Golden Globe du meilleur scénario, et il est sélectionné aux Oscars.

The Batman

Affiche du film "The Batman" de Matt Reeves.

Après Michael Keaton dans le " Batman " baroque et délirant de Tim Burton, après Christian Bale dans le " Dark Knight " sombre et réaliste de Christopher Nolan, voici Robert Pattinson dans " The Batman " de Matt Reeves (connu pour sa nouvelle version de " La planète des singes ").

Comment se démarquer des versions précédentes ? Matt Reeves choisit d’accentuer l’aspect " film noir " au détriment de la dimension " super-héros " – peut-être pour se démarquer des innombrables films de l’écurie Marvel développés par Disney. Ici, Bruce Wayne est un personnage plus solitaire que jamais, et Pattinson lui donne une dimension encore plus mélancolique. Il travaille main dans la main avec l’inspecteur Gordon (Jeffrey Wright), un des rares flics non corrompus de Gotham City, pour tenter d’éradiquer la violence qui gangrène la ville. Mais il va trouver un adversaire particulièrement menaçant en la personne du Riddler (le Sphinx), et une alliée en celle de Catwoman (Zoé Kravitz).

Accumulant les scènes de nuit, empruntant ses codes narratifs au film de gangster, " The Batman " pousse le curseur vers un réalisme poisseux et désenchanté, peut-être encore plus que les films de Nolan – sauf dans sa dernière partie, paroxysme spectaculaire qui semble obligatoire dans toute superproduction de cette ampleur. Le seul véritable talon d’Achille du film, c’est sa longueur : pourquoi donc trois heures pour développer une intrigue, somme toute, assez classique ? Sans doute parce que de nos jours, les films de cinéma doivent à tout prix se démarquer des films directement proposés en streaming. Mais allonger un film ne l’a, hélas, jamais rendu meilleur.

Drive my car

Affiche du film "Drive my car" de Ryūsuke Hamaguchi.

Acteur et metteur en scène, Yusuke éprouve beaucoup de peine à faire le deuil de sa femme, morte d’un cancer. Il savait que celle-ci, actrice, couchait avec d’autres hommes mais cela n’avait pas amoindri l’amour qu’il éprouvait pour elle. Alors qu’il est invité à mettre en scène " Oncle Vania " de Tchekhov à un festival à Hiroshima, il y fait deux découvertes. En faisant passer des castings pour établir la distribution, il engage un ancien amant de sa femme. Il apprend aussi à connaître Misaki, la jeune femme que le festival lui a assigné comme chauffeur…

Que connaît-on vraiment des êtres qu’on côtoie et qu’on aime ? Comment, dans un couple, une part de l’autre semble toujours nous rester inaccessible ? Ces questions existentielles sont au cœur de la nouvelle du grand écrivain japonais Haruki Murakami. Ce que le romancier aborde en cinquante pages, son compatriote le cinéaste Ryusuke Hamaguchi le fait dans un film de trois heures, explorant les résonances entre le réel le théâtre, à travers de fréquentes scènes de répétition d’"Oncle Vania ".

" Drive my car " a remporté le prix du scénario à Cannes et concourt pour l’Oscar du meilleur film étranger ; c’est dire combien il est plébiscité par la critique internationale. Et pourtant, à la lecture de la nouvelle originelle de Murakami, on s’interroge : cet auteur est-il réellement adaptable au cinéma ? Ses questionnements métaphysiques sont-ils vraiment traduisibles en image ? Avec son (trop) long film, Hamaguchi signe une tentative inégale : tantôt inspirée, tantôt trop anecdotique.

Madeleine Collins

Affiche du film "Madeleine Collins" d'Antoine Barraud.

Traductrice-interprète, Judith (Virginie Efira, véritable stakhanoviste dans le cinéma français actuel) mène une double vie. En France, elle est l’épouse de Melvil, chef d’orchestre, et la maman de deux garçons. En Suisse, où elle se rend régulièrement pour son travail, elle retrouve Abdel, avec qui elle élève une petite fille… Mais cet équilibre fragile, fait de mensonges et d’omissions, peut-il durer éternellement ?

Le réalisateur Antoine Barraud a choisi de raconter ce drame comme un thriller, plongeant le spectateur dans un déluge de questions : pourquoi Judith a-t-elle développé cette dualité ? Comment son mari connaît-il Abdel ? Qui est Madeleine Collins ? Mais il maintient les points d’interrogation beaucoup trop longtemps dans son scénario, et finit par perdre son public : quand les réponses arrivent enfin, il est trop tard pour susciter de l’empathie pour le personnage. Trop de mystères tuent l’émotion.

Robuste

Affiche du film "Robuste" de Constance Meyer.

Après " Maison de retraite " avec Kev Adams, après " Maigret " de Patrice Leconte, encore un film avec Gérard Depardieu : " Robuste " de Constance Meyer. C’est la rencontre entre Aïssa, jeune Africaine agent de sécurité et Georges, star vieillissante. Aïssa, passionnée de lutte, doit remplacer au pied levé l’habituel assistant de Georges, mais n’est nullement impressionnée par ce grand acteur de cinéma. Georges, lui, est capricieux et lunatique, incapable de se débrouiller face au tracas de la vie quotidienne… Malgré son jeune âge, Aïssa ne serait-elle pas la plus mature des deux ?

Constance Meyer filme Depardieu au naturel, presque à nu, et Déborah Lukumuena (César du meilleur second rôle en 2017 pour le film " Divines ") est d’une grande justesse face au vieux monstre sacré. Tout sonne vrai dans " Robuste "… Dommage que la réalisatrice se soit contentée de filmer la confrontation de deux générations et de deux mondes à travers ce face-à-face, et ait oublié de nourrir son film d’une véritable intrigue.

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