Le décor : un chalet de montage assez isolé, où vit un couple avec un enfant, malvoyant depuis un accident. Elle, Sandra, est une romancière réputée. Lui, Samuel, se partage entre l’enseignement et l’écriture. Un jour, leur fils Daniel découvre le corps de son père gisant dans la neige… Accident ? Suicide ? Meurtre ? Très vite, les soupçons vont se porter sur l’épouse, et l’enquête va aboutir, un an plus tard, à un procès d’assises avec Sandra dans le box des accusés. Parmi les témoins, Daniel. Car s’il voit mal, il n’est pas sourd et a entendu ses parents se livrer à des disputes parfois violentes…
"Anatomie d’une chute", un énième film de procès ? Certes, mais c’est bien plus que ça : Justine Triet se sert du genre pour livrer une radioscopie d’un couple en crise, vue à travers le prisme d’un enfant qui doute. Et tout est remarquable dans ce drame psychologique. D’abord, la structure du scénario – coécrit avec son compagnon Arthur Harari (le réalisateur des excellents "Diamant noir" et "Onoda") – qui arrive à bien faire exister tous les personnages, et à maintenir un suspense sans avoir recours à des coups de théâtre artificiels. Ensuite, la qualité des dialogues : un film a le droit d’être "bavard" si, justement, il ne sombre pas dans le papotage mais propose des échanges verbaux qui éclairent les enjeux et la psychologie des protagonistes. Enfin, le brio du casting : l’actrice allemande Sandra Hüller ("Toni Erdmann") est inoubliable, Swann Arlaud ("Petit paysan") en avocat de la défense et Antoine Reinartz ("120 battements par minute") en avocat général jouent à merveille leur partition, et le jeune Milo Machado Graner ("En thérapie") impressionne par sa justesse…
Vous aviez envie de vous réconcilier avec le cinéma français, qui trop souvent vous laisse un goût d’inachevé ou d’amateurisme ? "Anatomie d’une chute" est LE film de cette réconciliation, et d’ores et déjà un des titres phares de 2023.