Tom Cruise n’est pas seulement une star, c’est un redoutable homme d’affaires qui maîtrise à merveille les règles du marketing. En s’invitant au Festival de Cannes, il s’est offert une formidable rampe de lancement pour " Top Gun Maverick ", la suite, trente-six ans plus tard, du blockbuster qui l’a installé, avec ses Ray Ban, dans la mythologie hollywoodienne des années 80.
Lors d’une rencontre avec les festivaliers, devant une salle de mille places bourrée à craquer, Tom Cruise a réaffirmé son soutien aux salles de cinéma :
Il y a une manière vraiment spécifique de tourner des films pour le cinéma, et moi je fais des films pour le grand écran
Une profession de foi qui lui a évidemment valu des applaudissements soutenus…
Mais au programme de ce mercredi soir, il y avait aussi deux films de la compétition. Deux longs films de deux heures et demie.
Le otto montagne (les huit montagnes)
En fin de soirée, les festivaliers ont pu découvrir "Le otto montagne", film réalisé en Italie par le cinéaste flamand Félix Van Groeningen et sa compagne Charlotte Vandermeersch. Il s’agit de l’adaptation d’un roman de Paolo Cognetti, lauréat du Prix Médicis étranger en 2017. C’est l’histoire d’une amitié au long cours : Pietro, enfant de douze ans qui grandit à Turin rencontre, lors de ses vacances en montagne dans le val d’Aoste, Bruno, bientôt douze ans lui aussi, élevé dans la ferme de son oncle. En grandissant, Bruno va rester fidèle à sa vie simple de montagnard, pressant lui-même ses fromages et descendant rarement à la ville, tandis que Pietro voyage jusqu’aux confins de l’Himalaya pour tenter de trouver un sens à sa vie…
Félix Van Groeningen s’est fait remarquer à Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs avec "La merditude des choses", il a ensuite décroché une nomination à l’Oscar du meilleur film étranger avec "The broken circle breakdown", et réalisé aux USA "Beautiful Boy", émouvant drame porté par Timothée Chalamet et Steve Carrell. Son retour en Europe avec ce film italien était attendu avec une grande curiosité. Attente un peu déçue, avouons-le. Car si le film aborde des thématiques existentielles intéressantes (le rapport à l’enfance, le deuil et les remords des rendez-vous manqués), cette chronique d’une amitié entre deux garçons que tout sépare souffre d’un petit air de "déjà-vu". Certes, Van Groeningen et Vandermeersch la filment avec douceur et sensibilité, mais l’ensemble reste assez convenu… Et un peu longuet.
La femme de Tchaïkovski
Le cinéaste russe Kirill Serebrennikov a déjà eu ses films précédents sélectionnés à Cannes ("Leto", "Petrov’s flu") mais, assigné à résidence par le gouvernement russe, il n’avait pu faire le déplacement sur la Croisette. Aujourd’hui en exil, il a pu se déplacer en chair et en os au festival pour présenter son nouveau film en compétition, "La femme de Tchaïkovski".
Plus qu’un biopic classique du célèbre compositeur russe, le film explore l’évolution d’un mariage contre nature. D’un côté, Antonina Milioukova, jeune fille de bonne famille qui s’amourache éperdument de ce musicien de huit ans son aîné. De l’autre, un homme asocial et solitaire, aux penchants homosexuels mal assumés. Leur mariage sera un désastre, Tchaïkovski va vivre très vite loin de sa femme et demande le divorce, mais Antonina le refuse avec opiniâtreté.
Serebrennikov livre un portrait en creux du compositeur de "Casse-Noisette" en s’attachant prioritairement à décrire cette femme qui veut, coûte que coûte, vivre un amour impossible. Il signe un film en adéquation avec son sujet : une fresque romantique sur une des figures majeures de la musique romantique du XIXe siècle.
Mais sur le plan dramatique, son intrigue est inévitablement un peu monotone puisqu’elle décrit les efforts répétés d’Antonina pour conserver son statut d’épouse… Et – comme "Le otto montagne" – "La femme de Tchaïkovski" souffre de quelques longueurs.