Les critiques d'Hugues Dayez

Les critiques d’Hugues Dayez à Cannes : "Armageddon Time", le retour de James Gray, et "Eo", le regard d’un âne, poétique et inclassable

James Gray, en compagnie de l’actrice Anne Hathaway à la montée des marches

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Par Françoise Brumagne

Nul n’est prophète en son pays : cet adage, James Gray le connaît par cœur. Cinéaste inconnu du grand public aux USA, le New Yorkais est célébré comme un auteur, et invité régulier du Festival de Cannes. "Armageddon Time" est son cinquième film retenu dans la compétition officielle.

Armageddon Time

Le réalisateur James Gray avec une partie du casting d'"Armageddon time"
Le réalisateur James Gray avec une partie du casting d'"Armageddon time" © Tous droits réservés

Gray n’est pas rancunier : il a beau avoir présenté des films aussi réussis que "The yards", "La nuit nous appartient" ou encore "Two lovers", il est toujours reparti bredouille. Après un détour dans les étoiles avec "Ad Astra" (produit par Brad Pitt et montré à la Mostra de Venise en 2019), il revient sur terre, et plus précisément dans son quartier de prédilection, le Queens.

L’action d’"Armageddon Time" nous reporte en 1980. Ronald Reagan s’apprête à renverser le démocrate Jimmy Carter, et déjà, le quartier où se déroule le film est dominé un puissant promoteur immobilier : Fred Trump, le père de Donald. On suit Paul, le benjamin d’une famille juive, élève indiscipliné qui épuise ses parents, qui rêve de devenir artiste mais qui ne peut compter que sur la complicité de son grand-père qu’il adore – incarné par un Anthony Hopkins aussi sobre qu’émouvant. Avec subtilité, James Gray parsème cette chronique familiale de piques acides contre les Républicains les plus conservateurs, qui sont alors en train de changer le cours de l’histoire. Il crée surtout une galerie de personnages attachants, terriblement humains, terriblement vrais. Teinté d’un humour aigre-doux, talentueusement mélancolique, "Armageddon time" mériterait que James Gray figure enfin au palmarès d’un Festival de Cannes.

Eo (Hi Han)

Photo du film EO de Jerzy SKOLIMOWSKI
Photo du film EO de Jerzy SKOLIMOWSKI © Aneta Gebska i Filip Gebski

"Eo" marque le retour d’un cinéaste qu’on n’attendait plus : Jerzy Skolimowski, figure essentielle du renouveau du cinéma polonais dans les années 60, auteur de films cultes comme "Deep end" ou "Travail au noir". Avec "Eo", l’octogénaire signe un poème visuel de 80 minutes, totalement inclassable. Soit l’odyssée d’un âne échappé d’un cirque qui, cahin-caha, va devenir la mascotte d’une équipe de football – avant d’être roué de coups par l’équipe adverse – le passager clandestin d’un routier fort en gueule, et l’hôte improbable d’une comtesse hiératique (Isabelle Huppert, toujours boulimique de nouvelles expériences).

Si pour certains, le cinéma, c’est avant tout réussir un mariage entre des images et du son, Skolimowski signe alors ici une réussite éclatante, truffée de trouvailles visuelles et sonores. Si par contre, pour le grand public, c’est d’abord raconter une belle histoire avec des bons personnages, "Eo" est un film opaque et furieusement ésotérique. Vous voilà prévenus.

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