En 1967, Jean-Luc Godard a déjà derrière lui ses films mythiques : "A bout de souffle", "Le mépris", "Pierrot le Fou". Il termine un film plus politique, "La Chinoise" avec en vedette Anne Wiazemsky, jeune étudiante de 17 ans, petite-fille de François Mauriac. Jean-Luc tombe amoureux d’Anne, mais son bonheur est de courte durée : "La Chinoise" est un échec cinglant… Et voilà qu’arrive Mai 68, et pour beaucoup de jeunes révolutionnaires, Godard rime déjà avec ringard. Secoué par tous ces évènements, le cinéaste emblématique de la Nouvelle Vague se remet en question, veut faire table rase du passé et prendre un tournant radical dans sa carrière. Tournant résolument le dos au style qui a fait sa gloire, il s’engage dans un collectif d’inspiration maoïste dénommé "Dziga Vertov" (référence au cinéaste russe d’avant-garde).
Michel Hazanavicius, le réalisateur de "The Artist", s’est emparé d’un récit d’Anne Wiazemsky pour dresser ce portrait de JLG à un moment crucial de sa vie. Louis Garrel effectue un joli travail pour retrouver le phrasé zézayant de Godard, sa morgue, son humour ravageur, sa méchanceté foncière. Le problème, c’est qu’Hazanavicius est un cinéaste plus attaché à la forme qu’au contenu. Il s’amuse, dans ses cadrages et dans son travail sur l’image et les couleurs, à faire ressembler "Le Redoutable" à certains films de Godard. Parce que la spécialité d’Hazanavicius, c’est le pastiche : "OSS 117" était un pastiche de film d’espionnage et "The Artist" un pastiche de l’âge d’or du muet. Mais derrière son talent de pasticheur, on se rend compte que Michel Hazanavicius n’a pas grand-chose à dire. Et c’est particulièrement flagrant dans "Le Redoutable" : Godard, personnalité complexe s’il en est, en est réduit à devenir une caricature. Quant à Stacy Martin, son principal talent réside dans son aisance à se promener régulièrement dans le plus simple appareil…