Le film démarre tambour battant, avec une scène spectaculaire et volontiers confuse : un attentat dans une gigantesque salle de concert en Russie. La manœuvre n’est en réalité qu’une diversion pour exfiltrer un agent double avant qu’il ne soit démasqué par les autorités russes. L’occasion de faire la connaissance avec le héros du film, incarné par John David Washington (fils de Denzel, déjà vu dans "BlacKKKlangsman" de Spike Lee), un espion qui va devoir contrecarrer une menace mondiale et invisible, qui vient du futur, un procédé machiavélique capable d’inverser le cours du présent ! Ce héros, au cours de ses tribulations, pourra compter sur l’aide d’un partenaire, Neil (Robert Pattinson, plutôt méconnaissable) pour affronter un puissant mafieux russe, Andreï Stator (Kenneth Branagh, ici plus souvent ridicule qu’inquiétant) et tenter de sauver l’épouse de celle-ci, Kat (Elizabeth Debicki, qui ressemble à une fille spirituelle de Vanessa Redgrave)…
Sur le papier, le scénario de "Tenet rassemble tous les ingrédients d’un nouveau James Bond. Nolan semble d’ailleurs respecter les règles tacites de la célèbre série : action, exotisme, complot mondial ourdi par un richissime méchant sur son yacht, sans oublier la note de charme apportée par la fragile héroïne. Mais à travers cet exercice de style de deux heures et demie, Nolan ne tarde pas à revenir à sa marotte obsessionnelle, qu’il explore dans tous ses films (de "Memento" à "Interstellar"), à savoir le rapport au temps et la manière dont la science pourrait enfin en briser la linéarité pour en percer tous les secrets.
Le problème, c’est que Nolan essaie de marier dans "Tenet" deux genres de films inconciliables : le film d’espionnage et d’action et le drame métaphysique. En alternant scènes de pétarade et tours de passe-passe spatiotemporels, il signe un film touffu et, au final, assez indigeste. "Tenet" ressemble à un grand jeu de casse-tête dont seul Nolan connaîtrait les règles, se souciant peu de les communiquer au spectateur. Nul doute que face à ce long-métrage très long et très opaque, seuls les fans irréductibles de Nolan crieront au génie, et les spectateurs moins avertis en sortiront avec un grand besoin d’Aspirine.