Il y a bientôt trois ans, le cinéaste franco-marocain Nabil Ayouch déclenchait un scandale avec "Much Love", un film qui montrait la vie quotidienne d’un groupe de prostituées de Marrakech – une réalité que le régime marocain refusait de voir sur un écran… Aujourd’hui, il poursuit son exploration du Maroc contemporain dans "Razzia".
"Razzia" se déroule sur deux époques. En 1982, un instituteur enseigne avec passion ses connaissances à des enfants d’un petit village niché dans les montagnes de l’Atlas. Un jour, il reçoit la visite d’un inspecteur du gouvernement, qui lui impose de nouvelles règles : exit la langue berbère, il doit donner ses cours en arabe et surtout, insuffler une dimension plus religieuse dans tous ses cours… Trente ans plus tard, en 2015, on retrouve un des élèves du professeur devenu domestique à Casablanca. On découvre aussi d’autres personnages qui, d’une manière ou d’une autre, ont souffert de la radicalisation du régime et de son manque d’ouverture. Il y a par exemple Salima (incarnée par la femme de Nabil Ayouch, coscénariste du film et véritable révélation du casting), une jeune femme qui étouffe dans son couple et rêve de plus d’indépendance…
Le procédé du film-mosaïque avec des destins qui s’entrecroisent n’est pas neuf : qu’on se souvienne par exemple du magistral "Babel" d’Alejandro Inarritu. "Razzia" n’atteint pas à cette intensité dramatique, mais n’est pas raté pour autant : à travers certains portraits attachants, Ayouch montre bien la schizophrénie des habitants de Casablanca, tiraillés entre des envies de modernité et le joug de la tradition, voire de l’obscurantisme. Le message est bien présent, mais pas surligné, car le réalisateur préfère le sous-texte au prêchi-prêcha. C’est tout bénéfice pour "Razzia".