Après 8 mois de guerre en Ukraine, certains chroniqueurs tentent d’imaginer une nouvelle manière d’envisager le commerce international. Et si, disent ceux-là, les démocraties décidaient en priorité de commercer entre elles ?
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Après 8 mois de guerre en Ukraine, certains chroniqueurs tentent d’imaginer une nouvelle manière d’envisager le commerce international. Et si, disent ceux-là, les démocraties décidaient en priorité de commercer entre elles ?
Nos relations commerciales avec la Russie sont déjà quasiment totalement à l’arrêt. Nous nous priverons bientôt définitivement de son pétrole, nous ne recevons déjà de gaz russe, et, en regard, suite aux sanctions prononcées par l’Unio Européenne, la quasi-totalité des entreprises occidentales ont déserté le sol russe. Pour autant, lors d’un échange tenu à Washington, la ministre canadienne Christya Freeland, vice première ministre, en charge des finances propose d’aller plus loin. Ce n’est pas uniquement sur la Russie qu’il nous faudrait peser, mais bien sûr l’ensemble des relations commerciales avec les autocraties.
Le raisonnement est assez simple. La théorie de Francis Fukuyama, la fin de l’Histoire, a démontré ces limites. La fin de l’Histoire n’a pas eu lieu…
Pour rappel, l’idée était que – suite à la chute du bloc de l’Est, les régimes post-soviétiques allaient progressivement emboîter le pas des démocraties. Au fur et à mesure qu’elles adopteraient l’économie de marché, la démocratie libérale s’imposerait d’elle-même comme un modèle découlant de soi. Trente ans après avoir été théorisé, ce courant a démontré ses limites.
A nous, dès lors, dit la Canadienne, de repenser nos relations économiques avec ces Etats. Pas de couper entièrement les ponts, comme c’est actuellement le cas avec la Russie, non, mais bien plutôt d’envisager les pistes commerciales possibles en priorité avec les démocraties. S’il nous faut tel produit (un masque), telle matière première (du gaz), telle pièce de moteur (destinée par exemple à un drone), commençons par regarder non pas le prix le plus bas où que ce soit sur la planète mais allons en priorité l’acheter dans une démocratie. Chez Nos voisins européens, nos amis d’outre-Atlantique, nos partenaires britanniques, australiens, japonais, coréens, etc.
Ainsi formulée, la théorie pourrait s’intituler "Democratie First".
Bien entendu, quantité de produits – et de matières premières – sont exclusivement proposés par des Etats non démocratiques. S’il nous est impossible de nous en priver totalement, acceptons – alors – l’idée de progressivement tenter de les remplacer, poursuit cette théorie.
Pour séduisant que soit la formulation, il n’en reste pas moins qu’elle compte quelques sérieux écueils. A commencer par le prix.
Cette manière de mettre en avant un protectionnisme fondé non pas sur l’intérêt national mais plutôt sur la démocratie compte un autre défaut. Celui propre à tous les boycotts. IL fait peser sur les populations elle-même le défaut de démocratie que l’on reproche à l’Etat. C’est une sorte de double peine, le citoyen d’un Etat non démocratie subit un régime dans lequel ses libertés fondamentales ne sont pas reconnues, et il risque de se retrouver privé de moyens de subsistance si les démocraties décident de ne plus commercer avec son pays.
Enfin, l’idée de se "replier" sur les pays amis – et surtout sur les ressources propres de l’Etat – est forcément plus facile à envisager dans un pays – comme le Canada, possédant de vastes ressources (minières, notamment), qu’en Belgique.
Très pratiquement, il ne faut pas oublier que ce discours de Christya Freeland vise aussi la scène politique canadienne. La ministre (des finances) se profile sur un thème international tout en envoyant un message aux entreprises nationales. "Produisons, nous trouverons toujours bien un partenaire démocratique pour acheter nos produits."
Pour autant, et malgré l’apparente naïveté de vouloir injecter un peu d’élégance ou de noblesse dans le business international, la proposition possède un double intérêt : celui – évident – de priver les autocraties d’un moyen de pression commercial à notre égard., et ensuite, permet de faire miroiter un fameux incitant : devenez une démocratie et nous serons partenaires commerciaux.
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