L’hiver, plus que les autres saisons, offre une multitude d’interprétations et d’expressions artistiques allant du calme à l’agitation, de l’introspection à l’exploration, du noir au blanc… Xavier Falques vous raconte l’histoire qui entoure les œuvres liées à cette saison si particulière, à commencer à le Winterreise de Schubert.
Étranger, je suis venu, étranger je repars.
Voilà le premier vers du Winterreise de Schubert, le cycle d’un mouvement irrépressible, d’un voyage passé, d’un voyage à venir qui agit sur l’homme comme une force inexorable n’offrant jamais le repos, laissant le voyageur seul avec ses désillusions. Il nous dit : "La jeune fille parlait d’amour / la mère, même de mariage / aujourd’hui le monde est si gris". Mais ce voyageur, ce professeur itinérant tombé amoureux de son élève, d’où vient-il ? Où va-t-il ? Et si tout cela n’était qu’une fuite en avant ?
Ce voyageur est ce que l’on appelle un Wanderer, un homme qui est le produit du changement de valeurs de son temps. Un homme qui prend conscience de son isolement existentiel, de son individualité, de sa taille par rapport à la nature qui l’entoure, une nature qu’il ne contrôle pas, qui est régie par ses propres lois. Une nature qui s’affirme comme un monde mécanique qui existe avec ou sans lui. Le Wanderer a conscience qu’il n’a accès qu’aux apparences, et il observe la beauté ou subit la rigueur de ce monde indépendant, ou plutôt indifférent aux lois humaines.
Le Wanderer est au centre du Winterreise et du cycle Die Schöne Müllerin (ou la belle meunière), les deux cycles de Schubert composés sur des poèmes du Müller. Mais il est également au centre de nombreuses peintures de Caspar David Friedrich. Parfois, le peintre nous le donne à voir, comme dans le célèbre Wanderer au-dessus d’une mer de nuage où nous voyons cet anonyme observer une nature qu’il ne peut appréhender ; parfois c’est à travers ses yeux que nous observons le monde, comme dans son Dolmen dans la neige, qui par sa perspective bouchée n’offre qu’à voir l’immobilité d’un paysage d’hiver et de ses arbres morts.