Telle est la question !

Les cordes des violons sont-elles vraiment en boyau ?

© Getty Images / iStockphoto – bizoo_n

On dit souvent que les cordes de violon ou de violoncelle sont faites en boyau. Vérité ou légende, de quel animal provient ses boyaux ? Est-ce du chat, comme on l’a souvent prétendu ? Clément Holvoet nous en dit plus dans sa chronique Telle est la question.

N’est-il pas étrange que des boyaux de mouton puissent extraire l’âme du corps humain ?

William Shakespeare

Dans sa pièce Much ado about nothing (Beaucoup de bruit pour rien), William Shakespeare souligne l’expressivité des instruments à cordes, en la confrontant avec la trivialité du matériau utilisé pour construire les cordes. Car, à son époque, les cordes sont bien construites en boyau. On a pu lire parfois qu’il s’agissait de boyaux de chat, mais il n’en est rien, il s’agit de boyau de mouton, à la sonorité si particulière.

Ces cordes en boyau pur sont encore utilisées aujourd’hui telles quelles, notamment par les instrumentistes qui se spécialisent dans la musique de la période ancienne, ou qui souhaitent jouer de manière "historiquement informée” selon l’expression consacrée. Ces cordes sont épaisses et assez lourdes, elles produisent une sonorité riche et ronde, mais sont malheureusement très sensibles aux changements de température et d’hygrométrie, par ailleurs elles s’abîment facilement et peuvent casser rapidement.

C’est vers 1660 que l’innovation arrive : on enroule d’argent les cordes les plus épaisses pour faciliter le jeu. C’est notamment le violoncelle qui en bénéficiera le premier, les cordes en partie métalliques aidant beaucoup la virtuosité et la rapidité de mise en vibration de la corde. L’une des premières occurrences à l’écrit concernant ces cordes en métal date de 1664, à nouveau en Angleterre. C’est l’éditeur de musique John Playford qui en écrit ceci, cité dans un travail de Stéphane Dennery : "Il y a une invention récente de cordes pour les basses de violes et de violon et de luths, dont le son est bien meilleur et fort que celui des cordes en boyau communes, que ce soit sous le doigt ou sous l’archet. Il s’agit d’un petit fil enroulé et guipé [twisted or gimp’d] autour d’une corde en boyau ou sur de la soie. J’ai essayé les deux, et celles en soie tiennent mieux [la résonance ? l’accord ?] et donnent un son tout aussi bon. Le meilleur choix de ces cordes sont vendues chez M. Richard Hunts, marchand d’instrument, à l’enseigne du Luth, sur St Paul’s Alley près de Pater Noster Row."

L’utilisation de la corde en boyau a perduré très longtemps, soit en brut, soit filée avec du métal, jusqu’au milieu du XXe siècle, et encore aujourd’hui, nombre de solistes utilisent, même partiellement, certaines cordes avec un cœur en boyau naturel. Pour pallier le problème de stabilité et de fiabilité, s’est imposée la méthode de fabrication de cordes en matières synthétiques à partir de la moitié du XXe siècle. Elles sont aujourd’hui très massivement utilisées sur les instruments à cordes frottées, violons, altos, violoncelles et contrebasses et présentent un autre avantage majeur, en plus d’être stables et fiables : elles sont bon marché. Ceci a donc permis leur démocratisation !

Retrouvez également la chronique "La passion selon Céline" Scheen à ce sujet

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous