Les commerces alimentaires ouverts de 7 à 22 heures : "juste une possibilité" pour la fédération, "scandale" pour les syndicats

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Par Martin Bilterijs avec Belga

Cela est écrit noir sur blanc dans l’Arrêté ministériel portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus, paragraphe 3, "Les magasins d’alimentation ne peuvent être ouverts que de 7.00 à 22.00 heures." Une décision qui provoque la colère d’organisations syndicales dont le SETCa, par la voix de sa présidente Myriam Delmée, en charge du secteur commerce. L’horaire maximal était jusqu’ici jusqu’à 20 heures.

Pour elle, cet élargissement des horaires des commerces alimentaires, qui aurait été décidé sans concertation avec les organisations syndicales, est "un vrai scandale quand on sait que le personnel des magasins crève déjà et que la revendication des organisations syndicales est de limiter les ouvertures, pas de les élargir".


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Mme Delmée dénonce aussi "le lobby de Comeos" (la Fédération du commerce et de la grande distribution) et déplore : "La semaine dernière, la ministre du travail insistait sur le fait qu’il n’y avait pas de demande et qu’elle ne dérogerait à rien tant qu’il n’y avait pas de demande conjointe des interlocuteurs sociaux du secteur. Manifestement, les pouvoirs spéciaux lui ont donné des ailes à elle et à ses collègues. Preuve en est, que les pouvoirs spéciaux peuvent être mal utilisés et être l’ennemi de la démocratie (sociale) !"

Contacté, Coméos réfute les accusations du syndicat socialiste. "C’est une mesure prise par le gouvernement, en aucun nous n’en sommes à l’origine. De plus, ce n’est pas parce que c’est inscrit dans un arrêté ministériel que cela sera appliqué. Il faut rassurer les travailleurs : si cela se fait, ce sera discuté entre les représentants syndicaux et la fédération. Cela ne veut pas dire que dès aujourd’hui tous les supermarchés resteront ouverts jusqu’à 22 heures."

Dans l’entourage de Nathalie Muyle, la ministre de l’Emploi, on "s’étonne" que cette décision fasse débat maintenant alors qu’elle a été annoncée "il y a une semaine."

Comeos temporise

Une prolongation des heures d'ouverture des magasins alimentaires "n'est pas à l'ordre du jour", selon la fédération sectorielle Comeos.

L'arrêté ministériel a suscité de la nervosité parmi les syndicats, qui soulignent les gros efforts qui sont déjà réalisés actuellement par le personnel des magasins. La présidente du SETCa, en charge du commerce, Myriam Delmée, s'est inquiétée de cette utilisation de la pandémie pour revoir la législation. Interrogée par la RTBF, elle a dénoncé un "lobby de Comeos".

Du côté de Comeos, on se veut néanmoins rassurant. "Des heures d'ouvertes rallongées ne sont pas du tout à l'ordre du jour. Il n'y a rien sur la table à ce sujet", indique un porte-parole de l'organisation sectorielle.

Dans les rangs politiques, le PS a rappelé que l'arrêté du 23 mars était un simple arrêté ministériel et non un arrêté de pouvoirs spéciaux. Il ne peut donc modifier une loi. "L'arrêté ne peut avoir pour effet d'élargir les heures d'ouverture qui sont prévues dans une loi. Ces ambiguïtés sont particulièrement malvenues à un moment où les caissières des grands magasins se dévouent pour assurer l'approvisionnement de la population", a commenté le chef de groupe PS, Ahmed Laaouej.

Ce matin, la Première ministre, Sophie Wilmès, via Twitter, a voulu clarifier la situation en déclarant que l'arrêté ministériel avait été rédigé pour "couvrir l'entièreté des situations existantes" et non pour élargir les heures d'ouvertures "sans concertation", précisant aussi que le texte sera modifié en fin de semaine. 

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Myriam Delmée, présidente du SETCa, syndicats des employés et cadres de Belgique, en charge du secteur commerce

"La colère gronde"

Myriam Delmée, du Syndicat des employés et des cadres de Belgique, prévient que la colère gronde dans les magasins. "Il ne faudra pas s’étonner si à un moment des mouvements sociaux ont lieu. Travailler pour nourrir la population est une chose, mépriser le personnel, en ne le protégeant pas, et en demandant toujours plus est autre chose !"

Plus tôt dans la journée, la FGTB avait déjà estimé que "les pouvoirs spéciaux, qui seront accordés au gouvernement Wilmès, ne doivent porter que sur la gestion sanitaire de la crise et ne doivent pas servir à remettre en cause la législation sociale.

"Pas créer un effet d’aubaine"

La proposition de loi accordant au gouvernement de Sophie Wilmès des pouvoirs spéciaux pour trois mois renouvelables, dans le cadre de la lutte contre le coronavirus et ses effets économiques et sociaux, sera votée jeudi à la Chambre, en séance plénière. Pour la FGTB, cette loi doit exclure toute possibilité d’intervention unilatérale en matière de législation sociale. "Pas question de créer un effet d’aubaine ouvrant grand la porte à toute dérive en matière de temps de travail ou de nouvelles flexibilités", juge le syndicat socialiste dans un communiqué.

La FGTB s’inquiète d’autant plus que, selon elle, l’arrêté ministériel du 18 mars portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus, a été rédigé "sans concertation avec les organisations syndicales" et "sous l’influence unique du lobbying des organisations patronales". Et la FGTB d’exiger "que les développements futurs tiennent compte de l’avis des organisations syndicales qui ont la meilleure connaissance pratique du terrain".

Sujet du JT du 23/03/2020

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