La prudence française et allemande
On se souvient que lorsqu’Emmanuel Macron s’est rendu en Russie pour y rencontrer Vladimir Poutine le 7 février dernier, un test PCR avait été réalisé en France et puis un test antigénique une fois sur place afin d’éviter, selon Reuters, que le test soit fait par un médecin russe et que la Russie dispose de l’ADN du président français. Personne n’a oublié cette image de la longue table de six mètres séparant les deux hommes lors de leur entrevue. Officiellement, il n’avait pas été possible de prévoir une table plus petite et un contact plus proche, avec serrage de mains, parce que le "protocole sanitaire n’était ni acceptable ni compatible avec les contraintes d’agenda du président français".
Une semaine plus tard, le chancelier allemand Olaf Scholz avait refusé lui aussi de se soumettre à un test anti-covid russe à son arrivée à Moscou pour ses entretiens avec Vladimir Poutine. Selon une source gouvernementale allemande, Olaf Scholtz s’était "fait tester par une médecin de l’ambassade allemande" à son arrivée à l’aéroport moscovite. Et c’est exactement la même procédure qui a été mise en place lorsque le chancelier allemand s’est rendu à Pékin début novembre. En d’autres mots, pas question de laisser un médecin chinois réaliser l’indispensable test PCR pour entrer sur le territoire chinois.
Mais quel est le risque ?
"Si les Chinois voulaient séquencer le génome de Charles Michel, ils n’auraient pas besoin de le tester" précise Anabelle Decottignies, maître de recherches FNRS à l’Institut de Duve et professeure à l’UCLouvain, "un cheveu, un poil ou une empreinte digitale pourraient suffire. Mais pour faire quoi ? Trouver qu’il a telle ou telle mutation qui le rend susceptible de développer la maladie x ou y ?" La généticienne n’y voit pas franchement d’intérêt. Pour le cloner ? "On est un peu dans la science-fiction" poursuit Anabelle Decottignies : "Ce que l’on appelle le clonage humain est en fait une modification génétique d’embryons. Et donc, il faut des embryons. Et il n’y en a pas dans le frottis nasal. La reprogrammation au départ de cellules non germinales est en théorie possible mais extrêmement compliquée et pas encore en place chez l’homme à ma connaissance".
La spécialiste en génétique avoue donc ne pas percevoir l’usage – ou le mauvais usage – que pourraient faire les Chinois à partir de l’ADN d’un responsable politique.
Le précédent des JO d’hiver
Une actualité chassant l’autre, on a peut-être déjà oublié qu’en début d’année se sont déroulés les Jeux olympiques d’hiver à Pékin. Jean-Michel Saive, président du COIB, se souvient très bien des tests quotidiens obligatoires pour les sportifs et les officiels. "Nous n’avions pas le choix : dès notre arrivée en Chine et chaque jour de notre séjour, nous devions nous soumettre à un test salivaire, réalisé par des Chinois". Qui auraient donc pu, s’ils le souhaitaient, récupérer l’ADN de centaines de sportifs de haut niveau. L’ont-ils fait ? Ils ne s’en sont en tout cas pas vantés. Mais se repose la question de la spécialiste en génétique : pour en faire quoi ? À ce jour, il n’y a pas de réponse.