Une heure plus tard, nos tasses de café sont vides depuis un moment, et l’entretien touche à sa fin. Avant de se quitter, on a deux dernières questions à poser. D’abord, le dernier film ou série qu’elle a aimé, et qu’elle recommanderait : "En films, ‘The Lost Daughter’ de Maggie Gyllenhaall (sur Netflix, NDLR) parce que ça m'a profondément touchée de voir ainsi traitée la difficulté de combiner maternité et féminité, ambitions personnelles et professionnelles. Et puis la série-coup de poing ‘I May Destroy You’ de Michaela Coel, qui montre avec talent et intelligence que le viol et la culture du viol, ça nous concerne tous-tes."
Et enfin, si elle avait une baguette magique avec le pouvoir de changer une chose dans l’industrie du cinéma, ça serait quoi ? "Que notre métier soit mieux financé. Et puis que la parité soit quelque chose de totalement normal – et pas que pour les femmes blanches issues de familles aisées. La diversité de points de vue, et la parité : ce serait pas mal, déjà !" Lance-t-elle d’un air enjoué, avant qu’on reprenne la route, chacune de notre côté.
PANDORE
Dans la mythologie grecque, Pandore est celle par qui le mal arrive : première femme humaine, conçue par Zeus à partir d’argile et envoyée aux hommes pour se venger du vol du feu par Prométhée, elle descend sur terre avec une boîte contenant tous les maux de l’humanité. Bravant l’interdit et cédant à la curiosité, elle ouvre la boîte… Voilà comment la Folie, le Vice, la Tromperie, la Passion ou encore l'Orgueil se répandirent dans la société.
La série ‘Pandore’ reprend à son compte cette idée de la femme responsable des maux de l’humanité, pour mieux la questionner. Car si la juge Claire Delval (Anne Coesens) est celle qui ouvre la boîte des scandales – d’une affaire de corruption avec conflit d’intérêts familial, à celle d’un viol collectif qui va secouer le pays -, peut-on lui en faire porter la responsabilité ? La folie des hommes, l’orgueil des puissant·es, le vice des politiques ou la tromperie des médias n’étaient-ils pas déjà là ? De la juge au politicien libéral (Yoann Blanc) en passant par l’activiste politique (Salomé Richard) ou la journaliste en construction (Mélissa Diarra), ‘Pandore’ explore les vicissitudes humaines et les vices cachés des institutions, entre passions, sororité, mensonges et manipulation.
Construite comme un thriller, cette série ambitieuse au croisement du politique et de l’intime est à la fois nourrie d’influences étrangères (on pense à ‘Borgen’, ‘Sharp Objects’ ou ‘The Killing’ parfois), et à la fois ancrée dans un paysage très bruxellois, du Palais de Justice aux Marolles en passant par Schaerbeek ou l’avenue Louise – et forte d’un casting belge éclectique, entre visages déjà vus et nouvelles/nouveaux venu·es. Prenant ses marques lors des premiers épisodes, ‘Pandore’ avance au début avec hésitation, la crédibilité des personnages s’entrechoquant avec les impératifs de la narration ; hormis celle voulue par le scénario, on sent la tension entre l’idéalisme d’une société souhaitée et le réalisme des faits - deux notions souvent difficiles à concilier.
Cependant plus les épisodes s’enchaînent, plus la série trouve ses marques et son rythme de croisière : les personnages gagnent en épaisseur, les enjeux sont renforcés, les langues se délient, faisant plus de place au flamand ou à l’arabe par endroits, et les ‘twists’ de fin d’épisode titillent l’envie de continuer... Abordant des enjeux de société avec un regard politique, tout en épousant les rouages d’un format grand public, ‘Pandore’ marque en tout cas un tournant dans l’audiovisuel belge – un virage qu’on espère bien engagé vers une saison 2, comme le dernier épisode peut laisser espérer…
PANDORE, de Vania Leturcq, Savina Dellicour et Anne Coesens. Avec Anne Coesens, Salomé Richard, Yoann Blanc… Premier épisode ce dimanche 13 février à 20h50 sur la RTBF et sur Auvio.
Prochain épisode des Bobines du cinéma : Paloma Garcia Martens, costumière et coordinatrice d’intimité.
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