Vous avez vu des joueurs choisir un autre pays que la Belgique quand ils avaient la double nationalité ? "J’en ai vu plein. C’est toujours le cas presque. […] C’est souvent une décision collective, prise en concertation avec leur famille, leur entourage, qui dépend surtout des perspectives dans leur pays natal."
Vous expliquez ça comment ? "Si on se concentre sur le point de vue footballistique, je dirais qu’il y a une incompréhension tant du côté des entraîneurs que des joueurs. D’une part, vu la façon dont les équipes du championnat belge évoluent d’un point de vue technico-tactique, on comprend que les entraîneurs n’ont pas une idée très positive des profils des binationaux, qui sont principalement des profils maghrébins, et même en grande majorité des Marocains. Ces joueurs sont souvent plus petits, plus minces, plus techniques, ils ont souvent un physique moins imposant, ils sont moins durs dans les duels même s’ils lisent souvent très bien le jeu. Ce profil ne donne pas confiance à la majorité des entraîneurs dans la formation de leur équipe. D’autre part, l’accumulation de refus de ce "profil" fait que beaucoup de joueurs pensent qu’il y a une "xénophobie footballistique" pour ce type de profils. Et donc dès qu’ils ont une porte de sortie, la possibilité de représenter un autre pays, ils posent ce choix."
Un constat qui vaut en équipe nationale A, mais pas forcément dans les catégories précédentes : "Chez les jeunes, ils sont appréciés avec leur technique, mais dès qu’ils arrivent à un niveau plus compétitif, on ne leur donne plus cette chance et cette marge de confiance. Les joueurs évoluent souvent jusqu’en U21 avec l’équipe nationale belge. Jacky Mathijsen (coach des espoirs), par exemple, accorde beaucoup de confiance à plusieurs binationaux. Mais après, cela reste une décision individuelle, la décision d’un coach. Il n’y a pas de structure, pas de politique autour de ces binationaux qui pourraient pourtant apporter beaucoup à la sélection belge. […] Malgré le fait que l’Union belge a beaucoup évolué avec énormément de départements spécialisés et d’ailleurs très bien gérés, dans ce genre de cas cela reste des décisions individuelles. Je pense notamment que le département de scouting est parfois un peu sous-estimé dans ses décisions sur le sujet."
Lui-même Belgo-Marocain, monsieur Khalid Zimbi n’évoque aucunement une discrimination au sein des instances du football belge, mais il affirme bien que la formation des entraîneurs belges, comme elle s’organise aujourd’hui, n’intègre pas suffisamment l’ouverture aux profils binationaux : "Après toutes ces années à l’Union Belge en tant que scout, et avec beaucoup d’amis scouts qui travaillent beaucoup, on est souvent sur les terrains de foot. Et on voit souvent après les matches des joueurs qui petit à petit se démotivent par manque de confiance et finissent par faire l’autre choix. […] J’ai commencé à travailler avec l’Union Belge en 2016, je n’ai jamais ressenti une quelconque xénophobie sociale ou culturelle mais par contre c’est vrai qu’au niveau footballistique c’est différent. Et c’est dû aussi à la formation des entraîneurs… Mais dans ce pays il y a quand même plusieurs exceptions comme le Standard de Liège qui fait partie des spécialistes dans la formation de ces profils et qui accordent leur chance à ces joueurs."