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Les Balkans encore fortement dépendants au charbon… et la situation ne tend pas à s’améliorer

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Par François Saint-Amand, d'après un reportage de Simon Rico via

Dans les Balkans, l’utilisation du charbon pour alimenter les centrales thermiques, est encore abondante. La Bosnie, comme la Serbie ou le Kosovo, malgré toutes les conséquences environnementales et sanitaires que cette exploitation engendre, ne sont pas près d’abandonner leur or noir. Explications dans ce reportage de Simon Rico pour Transversales.

Dans les Balkans, le sol est riche en lignite, un charbon très polluant. Le recours à ce combustible fossile pour s’alimenter en électricité est alors toujours d’actualité. Au point de causer des dommages irrémédiables sur la santé des travailleurs et de la population.

C’est ce que remarque amèrement Xhafer Gashi, maire d’Obilić, bourg en périphérie de la capitale Pristina développé dès les années 60 grâce à cette activité industrielle. Une mine à ciel ouvert de lignite approvisionne les deux centrales thermiques. "Depuis les années 60, cette activité a causé des dommages considérables à la population de la commune et aux alentours. Avant, ils avaient au moins le droit d’y travailler en priorité, mais ce n’est même plus le cas. Aujourd’hui, ils subissent seulement les maladies respiratoires et les cancers qui sont au niveau le plus élevé au Kosovo, peut-être même dans les Balkans et l’Europe entière" estime-t-il.

Des propos qui résonnent sur un rapport de la Banque mondiale publié en 2019. Celui-ci indiquait que la pollution de l’air tuait 760 personnes par an au Kosovo, pour 1,8 million d’habitants. À Obilić, on y relevait 30% des cancers et des maladies respiratoires en plus que dans le reste du pays.

Des prix énergétiques attractifs qui pèsent dans la balance des foyers

Le président du principal syndicat de ces travailleurs de ces centrales a perdu 35 collègues en 2021 à cause des maladies respiratoires. Ce nombre représente 1% des 3500 employés du charbon au Kosovo, deuxième pays le plus dépendant au monde de ce combustible fossile.

La raison est principalement financière. Ses réserves abondantes et les vieilles centrales érigées pendant l’époque socialiste sont payées depuis longtemps, garantissant une électricité à un prix qui en ferait pâlir les autres États européens. Le tarif au Kw/h s’élève à six centimes, soit trois fois moins que la moyenne de l’UE. Des prix semblables sont observés dans les autres pays de l’ex-Yougoslavie. Au point de remettre en cause la transition écologique ?

Le député kosovar Haki Abazi n’adhère pas à ce discours dominant : "C’est probablement dix fois plus (cher) que le renouvelable si on prend en considération tous les coûts additionnels : destruction des sols, surcoût pour la santé publique, pollution de l’air, contamination des fruits et légumes… Ces coûts annexes sont tellement élevés qu’ils sont inimaginables pour les gens, d’autant plus qu’on ne calcule que le seul prix de la production pour faire injustement croire que le charbon est la solution la moins coûteuse pour notre électricité".

Centrale thermique d’Obilic, Kosovo.
Centrale thermique d’Obilic, Kosovo. © NurPhoto/Corbis via Getty Images

Des mesures pourtant prises pour la transition énergétique

Le gouvernement d’Albin Kurti, souverainiste de gauche, a tout de même fait voter une nouvelle stratégie énergétique pour développer l’éolien et le solaire, deux énergies qui ne sont encore que peu exploitées. Néanmoins, la population préfère se contenter d’une énergie pas chère même si elle est polluante constate Rinora Gojani de la Balkan Green Foundation : "Malheureusement, c’est le fait de la mauvaise situation économique et du taux élevé de chômage. Pourtant, les gens sont clairement conscients de l’impact du charbon sur leur santé : on les entend souvent se plaindre de la mauvaise qualité de l’air. Mais à la fin, le plus important est de payer le moins possible pour se chauffer et d’avoir du courant chez eux".

Centrale thermique de Kostolac, Serbie.
Centrale thermique de Kostolac, Serbie. © Veronika Kovalenko / iStock / Getty Images Plus

La Serbie aussi dépendante au lignite… vu comme une ressource sacrée

La Serbie, comme pour cinq autres pays candidats des Balkans occidentaux, a signé l’Agenda vert, pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Mais son mix énergétique n’a pourtant pas augmenté depuis la fin de l’ex-Yougoslavie. Le lignite y représente encore deux tiers de la production d’électricité nationale et emploie plusieurs de dizaines de milliers de personnes.

C’est le cas à Kostolac qui recense deux centrales thermoélectriques et une mine à ciel ouvert. En termes sanitaires, des filtres à particules fines ont été installés au début des années 2010, pour diviser par deux les émissions. Mais la pollution des deux centrales est toujours 14 fois supérieure aux normes européennes. Et le charbon semble avoir encore de beaux jours devant lui : une nouvelle installation construite par la Chine devrait bientôt ouvrir.

Pour Mirko Popovic, directeur de l’ONG Institut de réglementation des énergies renouvelables et de l’environnement, l’intérêt économique n’est pas le seul facteur qui explique cette dépendance énergétique néfaste. Le charbon revêt aussi un symbole nationaliste en Serbie : "On prétend que l’Union européenne voudrait nous imposer ses valeurs. Cela ne vaut pas seulement pour les droits humains. C’est pareil le cas pour l’environnement et la transition énergétique. Le charbon serait une ressource sacrée en Serbie et on voudrait nous priver du cœur de notre énergie. Voilà le sentiment général. Nous avons donc besoin que la transition énergétique ne se limite pas à la dimension technologique. Il nous faut une véritable transformation sociétale pour comprendre que le vent, le soleil ou l’eau sont aussi nos ressources nationales".

► Découvrez la suite de ce reportage dans le podcast de Transversales ci-dessus.

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