S’ils se partagent l’affiche, et que leur couple est au centre du récit, le film parle avant tout d’Ève, de ses forces, ses failles et ses insécurités "Pour moi, c’est un portrait de femme plus qu’un portrait de couple, et il était important que l’acteur qui joue Henri comprenne bien que la vedette, c’est Ève", abonde Marc Fitoussi.
D’ailleurs, le film explore les différentes facettes de la vie de cette femme, et pas uniquement dans le rapport avec son mari, mais aussi avec les autres femmes de son entourage. Comme sa meilleure amie Clémence, incarnée avec justesse par Pascale Arbillot, sorte de ‘miroir’ d’Ève avec son carré blond et ses talons. Et si leurs conversations impliquent fatalement les relations avec leurs hommes, le film passe le test de Bechdel puisqu’elles échangent aussi sur leurs enfants, ou leur vie professionnelle.
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2 – Elle et elle
Mais il y a aussi une autre femme dans l’équation : dans le rôle de l’amante Tina, on retrouve la géniale Laetitia Dosch (‘Jeune Femme’). Entre Ève et elle, on ne peut pas vraiment parler de sororité, mais le film n’en fait pas une rivale menaçante pour autant.
La déconstruction du regard n’est pas une affaire de genre, mais de mentalité
Loin du cliché de l’amante écervelée, Marc Fitoussi, qui soigne comme d’habitude ses personnages, a construit Tina en parallèle à Ève : une jeune femme d’origine modeste, amène et presque naïve parfois, qui cache aussi des éléments de sa vie. "J’ai imaginé Tina comme une femme qui deviendra peut-être Ève, un peu comme dans ‘Ève’ de Mankiewicz", explique Fitoussi dans le dossier de presse.
La romance avec Henri se transforme presque en prétexte pour ces deux femmes de se scruter, se regarder en chiens de faïence, chacune fascinée par le monde de l’autre.
Quelque part au croisement entre un drame de Chabrol et un thriller scandinave, "Les Apparences" gratte le vernis des faux-semblants à plusieurs niveaux (politique, social, intime) et offre à Karin Viard un rôle en or, sur le fil entre férocité et vulnérabilité. Marc Fitoussi signe un portrait de femme ambivalent et complexe, loin des clichés ‘male gaze’ de l’épouse cocufiée – et confirme, si besoin était, qu’il n’y a pas besoin d’être une femme pour réussir cela. La déconstruction du regard n’est pas une affaire de genre, mais de mentalité.