Le travail de Brian Humphries
"Wish You Were Here" est enregistré à Londres à Abbey Road dans le célèbre studio 3. A l’époque de la sortie de l’album “Wish You Were Here”, Pink Floyd est devenu un groupe superstar. L’immense succès de l’album "The Dark Side of the Moon" les a menés aux sommets. Ainsi à la sortie de l’album, soit parce qu’ils sont réellement indisponibles ou peut-être parce qu’ils ont un peu le gros cou, les musiciens vont refuser toute interview concernant la réalisation de l’album.
C’est leur ingénieur en son en chef qui va répondre pour eux. Il s’agit d’un certain Brian Humphries, qui avait déjà bossé avec le groupe sur "Ummagumma", sur les bandes originales de "More" ou encore de "Zabriskie Point" ainsi que lors de prestations live. En novembre 74, Humphries rejoint officiellement l’équipe Pink Floyd et devient leur ingénieur du son.
Humphries prend donc la place d’Alan Parsons, ingé son qui avait fait de véritables miracles sur "The Dark Side of the Moon", l’album. Parsons, ne fait plus partie de l’équipe Pink Floyd, parce qu’il est maintenant trop occupé par son propre groupe : l’Alan Parsons Project.
Mais, Humphries, son remplaçant, va s’avérer tout à fait à la hauteur. Le son de Wish You Were Here est tout simplement fabuleux. Lors d’une interview qu’il accordera au Circus magazine à la sortie de l’album, en octobre 75, Humphries expliquera : "Les sessions d’enregistrement de l’album ont commencé en janvier 75 et ont eu lieu dans les studios d’EMI/Abbey Road. Généralement EMI ne permet pas l’accès au studio à des ingénieurs du son extérieurs à leur équipe, mais Pink Floyd a tout fait pour que l’on me permette de travailler au studio quand même. Le gros problème c’était qu’ils venaient tout juste d’installer une nouvelle console en studio, et nous étions les premiers à l’utiliser. C’était une 24 pistes et même si, généralement, je m’adaptais rapidement aux nouveaux systèmes, ici la configuration était particulièrement difficile. Ça a été assez complexe, à un tel point que lors de 3 premières semaines nous avons enregistré "Shine On You Crazy Diamond" - soit près de la moitié de l’album – à 3 reprises ! La première fois parce que le groupe n’aimait pas la prise et trouvait qu’il pouvait mieux faire et la seconde parce que – comme quelqu’un avait tripoté un bouton qu’il ne fallait pas – il y avait un écho qui s’était ajouté involontairement sur la piste des toms. Donc l’ensemble du morceau, les deux parties, de plus de 20 minutes étaient inutilisables".
Des morceaux testés sur scène
La plupart des titres présents sur "Wish You Were Here" sont des morceaux que Pink Floyd avait déjà testé sur scène l’année précédente, en 1974. Brian Humphries précisera ceci à la sortie de l’album en 1975 : "Ils jouent le même set sur scène depuis noël dernier, donc ils maîtrisent parfaitement les morceaux. Cependant, il y a eu quelques changements en studio par rapport aux idées originales".
Brian Humphries concernant l’utilisation de cette nouvelle console, au top de la technologie pour l’époque, témoignage de 1975 : "On a utilisé la console à ses capacités maximales. Il y a eu tellement de choses dans cet album, les pistes rythmiques de bases et puis les différents solos, de guitare, de moog, de sax ainsi que de très nombreuses pistes vocales. Ainsi si vous utilisiez une piste pour chaque solo, vous arriviez rapidement à dépasser les 24 pistes. Donc ce que nous avons fait, c’est combiner plusieurs solos sur une même piste. Si on avait voulu tout séparer par piste, on serait probablement arrivé à remplir 40 pistes, ce qui n’était pas possible à l’époque. Ça a été un peu compliqué à mixer mais on y est arrivé".
Dans la même interview Brian Humphries précisera les choses par rapport au mixage. : "Floyd est le premier groupe que je connais qui assure lui-même le mixage. Lorsqu’ils m’ont expliqué que comme ils écrivaient et jouaient leur propre musique, ils avaient besoin de savoir comment tout cela allait être mixé, j’ai tout de suite compris leur point de vue. Cependant, pour Dark Side, ils ont eu tellement marre qu’ils ont refilé le mix à quelqu’un d’autre. Pour " Wish You Were Here ", le mix a été essentiellement réalisé par David, Roger et moi. La contribution de Nick a été peu importante et celle de Rick aussi. En fait, c’est surtout Roger qui a supervisé l’ensemble. Je pense que Roger est – d’une certaine façon – Pink Floyd et je dis cela avec tout le respect que j’ai pour les 3 autres. C’est véritablement Roger qui contrôle l’aspect studio dans le groupe et, après tout, c’est normal, c’est quand même lui qui écrit tous les morceaux…".
Have a Cigar et la frustration de Waters
Waters ne va pas être capable de chanter le titre "Have a Cigar" sur l’album, tout simplement parce qu’il s’est cassé la voix en chantant Shine On You Crazy Diamond, qu’il a voulu reprendre à de nombreuses reprises pour essayer d’atteindre une certaine perfection. Waters ne peut chanter et, Gilmour, lui, ne veut pas chanter ce titre, ils tentent d’enregistrer une version ensemble (NDLR : disponible depuis sur les nombreuses rééditions de l’album) Pink Floyd fait donc appel à leur ami Roy Harper qui était en train d’enregistrer dans le studio d’à côté.
David Gilmour se souviendra, en 2011, de cette participation de Roy Harper à l’album de Pink Floyd. Il dira ceci : "Roger a essayé de chanter le titre et une ou deux personnes lui ont dit que ce n’était pas très bon. Puis, on m’a demandé d’essayer. J’ai essayé, mais je n’étais pas à l’aise avec l’intensité du titre, ça ne convenait pas à ma voix. Et je me souviens très bien que Roy était dans le coin et n’arrêtait pas de dire : ‘Allez, laissez-moi essayer, laissez-moi essayer…’. Et on lui a dit ‘Tais-toi Roy…’. Puis, le temps passait, on ne trouvait pas de solution et a fini par dire ‘Ok, allez, vas-y, essaye…’. La plupart d’entre nous avons apprécié ce qu’il a fait, bien que je pense que Roger, lui, n’a jamais vraiment aimé sa version…".