Lequel des fils de Jean-Sébastien Bach était le meilleur ? Le père a tranché, mais pas la critique

Johann Sebastian Bach et (certains de) ses fils en 1730

© De Agostini via Getty Images

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Par Margot Dubuisson

Il est des compositeurs dont le nom est illustre mais le prénom un peu moins. Eh oui, "les fils de" ont beau faire tous les efforts du monde, leur musique souffre trop souvent de la comparaison avec celle de leur père. À moins - et cela arrive - que les fils en question changent carrément de style.

Prenons Jean-Sébastien Bach, compositeur canonique à la lignée familiale si conséquente que l’écoute de la musique de ses fils tourne vite à la guerre de succession. Avec 20 enfants au compteur, Jean-Sébastien Bach avait l’embarras du choix pour savoir lequel serait le fils prodigue, lequel serait le plus loyal. Ainsi, s’il ne devait y avoir qu’un trône, lequel de ses fils pouvait tenir le rôle du "digne successeur" ? À peine l’auditeur a-t-il entendu quelques notes d’un des fils de Bach qu’il est placé en position de juge de paix pour départager lequel a hérité du génie du père plus franchement que les autres.

Bach, lui, a fait son choix

En bon père de famille, Jean-Sébastien Bach aurait pu s’abstenir de chercher lequel de ses enfants était le meilleur compositeur. Mais il a cédé à la tentation de relever que, pour lui, c’était bien Carl Philipp Emanuel qui était le plus doué de sa progéniture.

Les deux fils de Bach qui arriveront à jouir de l’aura du père et d’une estime spécifique sont donc Carl Philip Emmanuel, né en 1714, et Jean-Chrétien (Johann Christian Bach), né en 1735. Mais deux autres fils se sont également attiré la curiosité de musiciens, une curiosité toutefois plus limitée et plus tardive, à commencer par l’aîné.

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En effet, si Carl Philipp Emmanuel passe pour le plus talentueux, la rumeur veut que le fils préféré de Jean-Sébastien était son premier fils, Wilhelm Friedemann, né en 1710, réputé instable, plus moderne, même si certaines de ses partitions ressemblent à s’y méprendre à celles de son père.

Johann Christoph Friedrich, le moins connu

Parmi les quatre fils de Bach qui sont devenus compositeurs, il y en a un dont on ne parle quasiment jamais, dont le nom n’a même été francisé. Il s’agit de Johann Christoph Friedrich, né en 1732, un érudit de Saxe.

Le traducteur et éditeur allemand Karl Friedrich Cramer a même écrit en 1793, deux avant la mort du compositeur : " En vérité, il ne fait pas partie des Bach". En 1800, un autre critique allemand Johann Friedrich Rochlitz allait encore plus loin dans l’effacement de Johan Christoph Friedrich, en parlant des "trois frères Bach". Bref, dans la presse musicale allemande des XVIIIe et XIXe siècles, les places sur le podium des fils de Bach dépendaient des auteurs.

Un livre sans ambiguïté sur la hiérarchie des Bach

Si Carl Philipp Emanuel a toujours eu la faveur des arbitres de la fratrie, en 1866, l’écrivain prusse Karl Hermann Bitter consacre tout un livre à Carl Philipp Emmanuel Bach et Wilhelm Friedemann Bach, et leurs frères. Le titre est sans ambiguïté sur la hiérarchie entre les quatre frères, puisque Bitter relègue Johann Christian à la 3e place et Johann Christoph Friedrich loin derrière dans un 4e rang, à peine digne de quelques pages.

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Johann Christoph Friederich a d’ailleurs reçu le surnom de "Bach de Bückebourg", qui sous-entendait que sa musique n’arrivait ni à la cheville de celle de son père et ni au mollet de celle de son frère. Mais si le surnom de "Bach de Bückebourg" en a peut-être fait un Bach de seconde zone, il lui a tout de même permis de devenir une fierté locale du Land de Basse-Saxe. Rien n’assure que le tricentenaire de sa naissance en 2032 sera célébré en grande pompe mais le bicentenaire de sa mort en 1995 lui avait valu une exposition au château de Bückebourg, sous la direction du musicologue Ulrich Leisinger, et avec elle, une nouvelle circulation de ses partitions, jusqu’à cet enregistrement, par l’ensemble Matheus, de Jean-Christophe Spinosi.

Ach Dass Ich Wassers Genug Hätte – Jean Christophe Spinosi – Ensemble Matheus - Mezzo Malena Ernman

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Grâce aux travaux d’Ulrich Leisinger, on sait que Johan Christoph Friedrich a eu du mal à faire diffuser sa musique à la fin de sa vie car son éditeur n’a pas souhaité donner suite à tous ses projets. Un certain nombre de ses partitions ont tout simplement été perdues. Bref, avoir le nom de l’un des plus grands compositeurs de la musique ne fait pas tout…

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Cet article est tiré de l’émission "À la limite" produite par la Radio-Télévision Suisse (RTS), diffusée tout cet été sur Musiq3. Elle part aux confins de la grande musique pour venir au secours des œuvres délaissées par les têtes de gondole. Elle est aussi l’occasion d’écouter des morceaux qu’on ne retrouve pas dans les compilations de musique classique, faute d’avoir été consacrés "chefs-d’œuvre absolus".

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