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L’épineux débat de l’interdiction de l’abattage rituel sans étourdissement est lancé à Bruxelles

Photo d’illustration réalisée le 29 janvier 2004 de la chaîne des crochets de l’abattoir mobile installé à Pantin pour l’abattage des moutons de l’Aïd el Kebi.

© 2004 AFP

La question délicate de l’abattage rituel est sur la table du gouvernement bruxellois. Lors du conseil des ministres, organisé ce jeudi matin, le ministre du bien-être animal a déposé un projet d’ordonnance qui veut interdire l’abattage du bétail sans étourdissement préalable.

La Wallonie et la Flandre l’ont déjà interdit depuis deux ans. Cette interdiction est renforcée par un arrêt de la Cour constitutionnelle prononcé fin septembre. Ce débat pourrait créer des tensions au sein du gouvernement bruxellois, ce point n’a pas été prévu dans l’accord de majorité.

Des ministres taiseux sur la question

À la sortie du conseil des ministres ce jeudi matin, devant le cabinet du ministre-président, aucun participant n’a voulu répondre à nos questions. L’interdiction des abattages rituels sans étourdissement semble gêner la majorité. Les ministres ont préféré quitter le bâtiment par la sortie arrière pour ne pas avoir affaire aux questions des journalistes.

Seul le ministre du bien-être animal, Bernard Clerfayt du parti DéFi, s’est finalement présenté, visiblement déçu des discussions : "Il n’y a pas d’accord du gouvernement", entame-t-il. "Nous avons plutôt discuté sur les aspects du texte. Je ne suis pas certain qu’on avance sur cette question, mais en tout cas il faut le faire. Personne ne nie que les animaux souffrent lors de l’abattage. Cette question divise beaucoup les groupes politiques et donc il faut créer les conditions d’un consensus, pour tenter de réduire la souffrance animale en Région bruxelloise", tient à préciser le ministre.

Du côté du PS, les cadres du parti veulent rester discrets sur le dossier. "Rien n’est présent dans l’accord de majorité à ce propos. C’est un débat mort-né", nous glisse-t-on. Pour avoir une réaction des écologistes, il faut passer par leur chef de groupe au parlement, John Pitseys : "ce débat est complexe", entame-t-il. "Mais il est important et doit aboutir. En revanche ce que nous pensons, c’est qu’il faut une solution qui envisage le bien-être sur l’ensemble du cycle de vie de l’animal. Les différents membres du groupe se prononceront alors en fonction de leurs convictions et en fonction des arguments qui sont prononcés".

Du côté de l’opposition, le MR se dit favorable à interdire l’abattage rituel sans étourdissement. "Bruxelles ne peut plus rester isolée sur cette question", argumente Alexia Bertrand, la cheffe de groupe MR au parlement bruxellois. "Cela fait quand même depuis 2019 que la Flandre et la Wallonie ont adopté cette mesure et je n’ai pas vu le monde s’effondrer. Je pense qu’il faut pouvoir accueillir cette proposition avec responsabilité pour le bien-être animal", conclut la députée.

Une autre question : l’emploi et la fin du casher et halal à Bruxelles ?

Et par la même occasion, la fin du halal en Belgique. Après les interdictions en Flandre et en Wallonie, les abattoirs d’Anderlecht sont actuellement les seuls endroits où l’on peut légalement procéder à des abattages rituels sans étourdissement en Belgique.

Dans les bâtiments, les deux lignes coexistent, celle "sans étourdissement", destinée à produire de la viande halal et casher et celle dite "traditionnelle" où le bétail est étourdi avant d’être abattu. "Les bovins sont dirigés par le couloir vers le tonneau pivotant", explique Eric Vandeputte, le vétérinaire en charge du contrôle de la qualité des abattoirs. "Les bovins sont fixés fermement. Ils sont retournés à 180 degrés et puis on effectue la saignée. Ils sont ensuite reposés sur un tapis jusqu’aux différents contrôles déterminants si l’animal est inconscient ou mort". L’abattage est réalisé par du personnel agréé par l’Exécutif des Musulmans ou bien par un rabbin pour la tradition juive. Les carcasses sont ensuite traitées, découpée et reçues par les grossistes. Plus de la moitié des abattages à Anderlecht est réalisée sans étourdissement.

Ligne d’abattage des abattoirs d’Anderlecht
Tonneau pivotant pour les abattages rituels sans étourdissement

"On va perdre au moins 30 à 40% de notre chiffre d’affaires et en plus de ça, on va devoir aller chercher notre viande halal dans d’autres pays européens, en France ou en Espagne. Ça va être une catastrophe", déplore l’un des grossistes qui collabore avec les abattoirs.

Dans les boucheries du quartier Cureghem, on partage le constat des grossistes, cette peur de ne plus pouvoir acheter de la viande locale. "Si je ramène la viande de plus loin, le transport et tout le reste feront en sorte que les prix soient plus élevés. Si je ne peux plus garantir une viande halal à mes clients, je ferme boutique", confie l’un d’entre eux.

Au total, ce serait près de 100 emplois directs et 200 emplois indirects qui seraient menacés si la filière "halal et casher" devait s’arrêter, indique la direction des abattoirs d’Anderlecht.

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