Retour aux sources

Léopold III et Elisabeth de Belgique face à Hitler

"Le porte-drapeau", par Hubert Lantzinger, huile sur toile, 1938.

© US Army Center of Military History, Washington

Les monarchies face à Hitler, tel est le thème de la soirée proposée par " Retour aux sources " ce samedi 15 janvier à 21h00.

Tout un programme tant il est vrai qu’au moment où débute le dernier conflit mondial, une grande part de l’Europe est encore royale : Albanie, Belgique, Bulgarie, Danemark, Grande-Bretagne, Grèce, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Roumanie, Suède et Yougoslavie. Certains de ces pays sont les alliés de l’Allemagne, les autres sont ses ennemis. Quelques-uns sont neutres, dont la Belgique… pour peu de temps.


 

Une certaine Élisabeth de Wittelsbach, reine des Belges.

Le 10 mai 1940, violant la neutralité belge, l’Allemagne envahit le territoire. Ce sera la Campagne des 18 jours, la capitulation, l’exil du gouvernement et la captivité de Léopold III. Une nouvelle fois, Élisabeth jettera aux orties ses origines bavaroises pour se dévouer entièrement à la Belgique, comme elle l’a fait durant la Première Guerre mondiale.

Etoiles de David destinées à la Belgique

La reine tentera de soulager le fardeau des Belges. Intervenant pour la libération de prisonniers politiques, elle sera au chevet des blessés et versera dans l’aide humanitaire. Elle aidera aussi les Juifs, n’hésitant pas à se rendre au siège de la Gestapo, avenue Louise, pour sauver une famille. Malgré les interdictions en vigueur, elle osera recevoir des dignitaires israélites. Elle ira jusqu’à s’afficher avec une broche en forme d’étoile de David alors que les Allemands imposent ce signe à toute la communauté ! " Je risque le peloton d’exécution ? Et bien que l’on me fusille, je me moque de la mort " s’exclamera-t-elle… Hitler aurait même promis à Élisabeth d’épargner la déportation à des Juifs belges, mais il ne respectera pas sa parole.

Léopold III et Hitler.

Le drapeau nazi hissé sur le château de Laeken

En mai 40, le roi refuse de suivre le gouvernement d’Hubert Pierlot en France puis en Angleterre. Pour demeurer auprès de la population – ce qui ennuiera beaucoup les Allemands – il se considère prisonnier de guerre au château de Laeken. En outre, refusant toute collaboration avec l’occupant, le souverain cesse d’exercer tout pouvoir.

L’entrevue de Berchtesgaden.

Il semble que dès la fin du mois de mai, le Führer ait souhaité une entrevue avec Léopold III. Le 25 octobre, se rendant à Montoir pour discuter avec Pétain, Hitler passe en Belgique et espère rencontrer le roi à Yvoir. Le rendez-vous aura finalement lieu dans les Alpes bavaroises…

Léopold III est convoqué par le Führer. Le 17 novembre, il quitte Bruxelles, direction, l’Allemagne, le Berghof, à Berchtesgaden. Sous escorte de la Gestapo, son secrétaire, le comte Capelle, l’ambassadeur de Belgique à Berlin, le vicomte Davignon, son conseiller militaire, le général Van Overstraeten et l’adjudant permanent du Führer auprès du roi, Werner Kiewitz, l’accompagnent.

Le bureau d'Adolph Hitler au Berghof

L’entretien a lieu le 19 novembre dans le bureau d’Hitler. Il est relaté par l’interprète officiel d’Hitler, Paul-Otto Schmidt, dans son ouvrage " Sur la scène internationale avec Hitler " (Tempus Perrin, 2018). Lors de la montée au Berghof, Schmidt dira que Léopold III lui donna l’impression d’un grand élève auquel ses parents imposent une désagréable leçon supplémentaire dont il ne comprend nullement la nécessité. Il me parut monter avec une certaine répugnance les célèbres escaliers qu’avec plus d’espoir et d’un pas plus souple, non seulement le roi Boris, mais aussi Lloyd George, Chamberlain et le duc de Windsor, avaient gravis avant lui. "

Malgré les efforts des deux hommes, l’entretien sera assez glacial. Lorsque le Führer demandera au roi s’il a des désirs personnels qu’il puisse satisfaire, Léopold répondra " Je n’ai aucun désir personnel à formuler pour moi-même ", continuant, sans grande conviction, à remercier Hitler pour l’autorisation donnée aux réfugiés belges de rentrer au pays et pour les facilités qui lui avaient été accordées en vue du retour d’exode de ses enfants.

Léopold III à Berchtesgaden

Persuadé de la victoire allemande, le roi demanda si, une fois la paix conclue, la Belgique conserverait son indépendance. Hitler se déroba en évoquant l’avenir de l’Europe. Léopold saisit l’occasion de demander la définition précise de l’indépendance intérieure de la Belgique, une question qui déclencha une salve de reproches au sujet de l’attitude du pays, Hitler finissant par dire que " À l’avenir la Belgique devrait se régler, politiquement et militairement, sur l’Allemagne. " !

La réplique du souverain fusa : " Dois-je comprendre que l’indépendance politique de la Belgique sera garantie en contrepartie d’accords politiques et militaires entre elle et le Reich ? ", une question qui entraîna la colère d’Hitler devant l’attitude de Léopold qui, contrairement à d’autres chefs d’état, n’acceptait pas une collaboration avec l’Allemagne.

Le grand salon du Berghof

Bien qu’Hitler souhaite abréger la rencontre, le thé prévu avec la suite du roi dans le grand salon sera maintenu. C’est là que le Führer essaiera une dernière fois de ramener Léopold dans ses vues. Évoquant toujours le nouvel ordre européen, il fera " comprendre que la Belgique, si elle s’appuyait sur l’Allemagne, recevrait non seulement une garantie militaire, qui la dispenserait d’avoir désormais une armée, mais encore certains agrandissements de territoire dans le nord de la France jusqu’à Dunkerque et à Calais. "

Léopold III et Hitler demeureront sur leurs positions et ne se reverront jamais. Rien ne changera en Belgique : les prisonniers de guerre wallons – les autres ayant retrouvé la liberté dès la capitulation belge dans le cadre de la Flamenpolitik – ne seront délivrés qu’à l’issue du conflit, la situation administrative et celle du ravitaillement de la Belgique resteront aussi mauvaises qu’avant l’entrevue. Hitler ne pardonnera jamais à Léopold III le refus des offres qu’il avait formulées, disant même de lui qu’" Il ne vaut pas mieux que les autres rois et princes ".

 

Au Portugal, la Grande-Duchesse Charlotte avec le gouvernement en exil

Justement, qu’en est-il des " autres rois et princes " ? Parmi les monarchies importantes encore aujourd’hui régnantes, Wilhelmine des Pays-Bas et la grande-duchesse Charlotte de Luxembourg prirent le chemin de l’exil et organisèrent la résistance. Ce sera aussi le cas pour Haakon VII de Norvège. La Suède du roi Gustave V demeura neutre tandis que Christian X de Danemark resta au pays durant tout le conflit. Quant à la reine Elisabeth, épouse de Georges VI de Grande-Bretagne, elle sera le cauchemar des Allemands ! De son côté, Victor-Emmanuel III d’Italie sera entraîné par Mussolini dans le camp allemand, avec toutes les conséquences que l’on sait…  

"Les monarchies face à Hitler" à voir dans " Retour aux sources " ce samedi 15 janvier à 21h00 et sur AUVIO.

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