Leipzig est une ville d’une grande richesse musicale. Parmi les compositeurs qui l’ont fait rayonner, on peut citer Felix Mendelssohn, Robert Schumann, Richard Wagner qui y est né. Berlioz, Chopin, Liszt et Grieg qui y ont séjourné. Axelle Thiry vous emmène dans la Leipzig du XVIIIe siècle, à l’époque d’un des plus grands compositeurs de tous les temps, Jean-Sébastien Bach. Il y a vécu les 27 dernières années de sa vie.
Leipzig, ville galante
A l’époque de Bach, Leipzig compte environ 30.000 habitants. C’est une ville galante, sensible à la culture et à la mode. Sur le plan économique, elle ne se fait pas de soucis. Elle a grandi sur un carrefour de la route entre l’Orient et l’Occident. Elle voit défiler les marchandises et elle prend sa part du gâteau. Elle abrite aussi une grande foire plusieurs fois par an, qui lui attire du monde. Mais tout cela ne lui monte pas à la tête. L’élégante Leipzig veille à sauvegarder les principes du luthéranisme. C’est une ville profondément conservatrice. Et c’est aussi une intellectuelle. Dont l’université est alors une des plus prestigieuses d’Allemagne. Il y a aussi à Leipzig de célèbres écoles, comme l’école de Saint-Thomas, dont les cantors sont aussi… compositeurs.
Profession : cantor de l’école de Saint-Thomas à Leipzig
Kuhnau est un intellectuel. Il est aussi avocat, excellent mathématicien, polyglotte et il a bien d’autres qualités encore. Il est cantor de l’école de Saint-Thomas à Leipzig. Le cantor est d’abord un professeur. De musique, de catéchisme, de latin. Mais c’est aussi un peu le directeur musical de la ville. Quand Kuhnau décède, plusieurs musiciens posent leur candidature pour le remplacer. Parmi eux, un certain Jean-Sébastien Bach. Bach aspire à devenir directeur de la musique dans une grande ville. C’est une sorte de promotion sociale. Cela permettrait aussi à ses enfants d’avoir une scolarité gratuite dans une bonne école et de poursuivre leurs études à l’université. Il veut pouvoir leur donner ce qu’il n’a pas eu : une formation universitaire. Les autorités de Leipzig le lui reprochent, d’ailleurs, et ils ont Telemann en vue.
Telemann à qui les autorités de Leipzig proposent de reprendre le poste de cantor de l’école de Saint-Thomas. Il est cantor à Hambourg. Il pose ses conditions, qui sont assez exigeantes. Mais quand le Conseil le nomme, il refuse. En réalité, il n’était pas vraiment intéressé. Il voulait juste faire monter les enchères pour être mieux payé à Hambourg. C’est une déception cuisante pour le conseil de Leipzig. Jean-Sébastien Bach fait partie des candidats, mais il semble, et c’est peut-être la première fois de sa vie, qu’il ne suscite aucun enthousiasme. Il y a même un conseiller, un certain Platz, qui dit une phrase qui va le rendre ridicule pendant des siècles : "Puisque nous n’avons pu obtenir le meilleur, nous devons nous contenter d’un médiocre". Éconduite par Telemann, Leipzig fait la fine bouche avec Bach. Elle lui pose toute une série d’exigences. Bach est excédé. Pour en finir, il signe tout ce qu’on veut et il devient, à l’âge de 38 ans, Cantor de l’Eglise Saint-Thomas.
Bach, cantor et professeur
Bach s’est évidemment montré à la hauteur de toutes les attentes. Il est solennellement accueilli à l’école Saint-Thomas, qui compte une cinquantaine de pensionnaires. Bach donne des cours. De musique bien entendu. Pour les cours de latin, il se fait remplacer. Il doit aussi assurer des heures de surveillance… Et comme le cantor est aussi directeur de la musique, il est responsable des programmes de musique sacrée dans la plupart des églises de Leipzig et notamment celle de Saint-Thomas et de Saint-Nicolas. Il lui faut écrire une nouvelle cantate par semaine. C’est énorme. Cela explique l’abondance à peine croyable des cantates que Bach a composées. Et Bach trouve même le temps de composer et publier d’autres œuvres, comme le Clavier bien tempéré.
Leipzig est une ville mélomane. Il y a beaucoup de concerts. Il y avait aussi un opéra. Avec des productions spectaculaires. Des tempêtes, des tours en feu, un jour, on y introduit même un ours. Mais l’opéra sera fermé à cause de problèmes financiers et le bâtiment sera rasé en 1729. Finalement, ceux qui contribuent le plus à la vie musicale de Leipzig, après l’immense Bach, évidemment, ce sont les musiciens de la ville et les étudiants de l’université. Les étudiants forment des ensembles, comme le Collège musical, dont Bach reprend la direction. Il donne des concerts, qui ont lieu une fois par semaine au café Zimmermann, une des plus célèbres brasseries de la ville. Bach y joue souvent de la musique avec ses élèves et ses fils. C’est d’ailleurs pour eux qu’il écrit des œuvres comme ses concertos pour deux, trois ou quatre clavecins.