Vous êtes prêt à payer pour jouer les bons samaritains pendant deux semaines au Népal ou au Ghana ? Certaines sociétés seront ravies de vous y aider, moyennant le versement de près de 2000 euros. Billets d'avion et frais de visa non inclus. Entendons-nous bien.
Si les choses sont claires dès le départ, cette offre n'est, a priori, pas bien méchante. Sauf que l'exemple de Projects Abroad montre les dérives que peut avoir ce type de "vacances du volontariat". C'est du moins l'avis du Service Volontaire International (SVI), une association sans but lucratif belgo-française active dans "la préparation, l’envoi et l’accueil de jeunes volontaires dans le cadre de chantiers internationaux mis en place par des associations locales et non lucratives".
Concurrence déloyale ?
Cette ASBL vient d'entamer une procédure judiciaire à l'encontre de l'entreprise Projects Abroad pour "concurrence déloyale". Déborah Plaut, chargée de plaidoirie et de lobbying politique au sein du SVI, explique que cette société use selon elle de procédés "frauduleux" pour faire vibrer la corde sensible de l'homme du monde. "Elle se fait passer pour une association via une stratégie marketing qui la présente comme telle, mais il s'agit d'une agence de voyages."
Peter Slowe, fondateur et directeur de Projects Abroad, s'étonne de cette critique. "Notre site est tout ce qu'il y a de plus clair. Nous ne sommes pas une organisation caritative et nous n'avons jamais prétendu l'être, c'est 100% clair." Du côté du SVI, on estime pourtant que le vocabulaire utilisé pour façonner l'image de l'entreprise est ambigu. "C'est trompeur pour le 'consommateur', pour le citoyen plein de bonnes intentions. Particulièrement pour les jeunes qui sont en pleine construction d'eux-mêmes."
Le 9 octobre prochain, Projects Abroad organise une "journée découverte" à l'Université Saint-Louis de Bruxelles. Le but : attirer de nouveaux jeunes volontaires. Ou plutôt - appelons un chat un chat – de nouveaux clients. Une séance d'information jugée "illégale" par la représentante du SVI à cause du statut d'entreprise, et non d'association, de cette organisation qui vient s'exprimer dans la faculté. Un contact de Projects Abroad assure qu'il s'agit d'un "événement privé", d'une "location de salle comme le font de nombreux autres organismes". Il faut en effet s'inscrire pour assister à la séance, même si cette source admet à demi-mot que les étudiants arrivant sans s'être enregistrés ne seront pas refusés.
Ces journées découvertes sont importantes pour l'agence de voyage. Car la majorité des "clients" de cette entreprise de volontourisme ont entre 16 et 25 ans. Solidarité, rencontres et découverte du monde, ces volontaires s'engagent avec une idée précise de l'expérience qui les attend. Mais la réalité est parfois loin du rêve. "Ces voyages qui se disent humanitaires ont des conséquences sur le terrain, car les projets ne prennent pas en compte le contexte social, politique et culturel, commente Déborah Plaut. On commercialise le volontariat et la pauvreté est monétisée comme une attraction pour les touristes. L'argent ne revient absolument aux pays où sont menées ces missions et les volontaires prennent parfois la place de travailleurs locaux et ne sont pas qualifiés."