Dans l'air du temps

Le vent d’hiver souffle en avril et Christophe file

Le chanteur Christophe est décédé du coronavirus ce jeudi 16 avril

© FRANCOIS LO PRESTI FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Christophe, Le dernier des Bevilacqua, insomniaque éternel, a définitivement fermé les yeux ce jeudi 16 avril.

De ses 27.214 jours sur terre, il nous laisse une œuvre où le chaos est un art, le son, de la haute couture, et la nuit, une salle de montage pour composer le film de nos journées…

Chez ce beau bizarre, les sons méritent la peine d’être travaillés et donc testés, traités, joués et rejoués…

Il en est de même pour ses mots, faits pour ouvrir les perspectives… On ne parle pas de sa "carrière" mais de chemin, pas des "concerts" mais des "moments", pas de "perfectionnisme" mais de "quête de la vibration", et ça, c’est lui qui le voulait.

56 années de carrière dont 27 sans rien publier ni même monter sur scène, sans "Produire"… Parce que pour donner naissance, il faut d’abord vivre : jouer à la pétanque, dormir le jour et travailler la nuit, collectionner voitures et juke-box, lâcher les synthés et apprendre le piano à l’âge de 59 ans. Et ne jamais arrêter d’avoir les yeux sur le cinéma, ne pas abandonner le noir et blanc, le collectionner aussi, au point de dépanner Fellini s’il cherche une version originale de La Strada.

En 1964, son premier titre Reviens Sophie est un échec, il faudra attendre de crier Aline pour qu’elle revienne apportant le succès avec elle. Et c’est, je crois, symptomatique d’un chanteur qui toute sa vie aura été à la poursuite du retour, celui du bonheur et de l’amour.

Pour que demain ta vie soit moins moche (choisis l’étoile je te la décroche), il faut s’écouter aujourd’hui… quitter sa vie pour partir trois mois avec le cirque Gruss dans l’unique but de jouer aux boules avec Achille Zavatta le jour, chanter dans l’arène pour 500 francs par soir ne sera qu’une option…

France 2, Tout le monde en parle, 2 juin 2001 :

"Christophe : J’ai fait du découpage jusque 4h30 cette nuit…
Thierry Ardisson : Du découpage ?
Christophe :… c’est pour ça que j’ai mon cahier. C’est un cahier de découpage…
Laurent Baffie : Elle dit quoi la maîtresse ? Elle est contente ?"

Et Christophe regarde Baffie pudique en souriant… Parce que ce dernier l’a compris, ce n’est jamais qu’un petit garçon. Choqué par le divorce brutal de ses parents qui met fin à une trop courte enfance paradisiaque, Daniel Bevilacqua ne s’en remettra jamais, ce qui explique peut-être cette voix qui semblait tellement fragile et aux limites d’un gouffre, ses mains tremblantes, son plaisir à manger une sucette au citron avant de dormir, sa recherche éternelle des paradis perdus

D’abord amoureux du son, sa vie se fond dans ses expérimentations, Jarre dit de lui aujourd’hui qu’il était plus qu’un chanteur, "c’était un couturier de la chanson". Couturier comme sa mère, mystérieux comme ses airs, il construit ses chansons à l’image de cet artisanat, comme un marionnettiste dans son atelier qui fabrique, modifie, répare.

Bashung le surnommait le gitan blond. Christophe avait vibré à l’écoute de sa chanson Alcaline… Et Bashung de lui avouer bien plus tard : "Je l’ai écrite en pensant à toi. Dans ″Alcaline, il y a ″Aline″. C’était pour te dire je t’aime, de loin."

Entre ces deux maîtres de l’insaisissable raffinés de timidités, c’était donc bien de l’amour…

 

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La vie comme une série d’expérimentations, une couture sans cesse perfectionnée, un chaos ordonné et joyeux, et la poursuite éternelle d’un retour…

Christophe, c’était dans l’air du temps, et il sera de retour pour toujours

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