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Le VAR, son univers impitoyable : les 'pour', les 'contre' et les 'réformes à mener'

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Par Erik Libois

Les récentes palabres autour d’Eupen-Anderlecht (penalty ou pas penalty ?) et Standard-Cercle Bruges (hors-jeu ou pas hors-jeu ?) l’ont encore rappelé : l’assistance-vidéo (VAR) reste la grande vedette du football contemporain.

Alors, posons la question au final : le VAR est-elle une bonne chose ?

Introduite en 2017 au niveau international, l’assistance vidéo a produit bienfaits… et méfaits. Avec notre consultant arbitrage Stéphane Breda, proposons-en les 3 POUR et les 3 CONTRE. Avant d’envisager la marge d’action pour des améliorations futures.

LES POUR

Forte amélioration des (non-)décisions

Les chiffres sont formels : dans leur écrasante majorité, les décisions prises sur base du VAR sont bonnes et permettent de rétablir la vérité des faits, en modifiant des décision prises… ou en appuyant des décisions non-prises. " On ne compte plus le nombre de pénaltys récupérés ou de buts annulés après qu’un joueur ait marqué de la main " explique Stéphane Breda. " Avec le VAR, Thierry Henry n’envoyait pas la France en Coupe du Monde aux dépens de l’Irlande et Marc Wilmots éliminait sans doute le Brésil en 2002... On a tendance à souligner les dérapages… mais il faut aussi regarder la beauté du bébé et ne pas le jeter avec l’eau du bain ! "

Diminution des tricheries et des coups volontaires

Non-contente de débusquer les actes illicites des joueurs, le VAR a aussi permis de modifier positivement leur comportement sur le terrain. Stéphane Breda : " A part quelques-uns, tous les joueurs ont compris que la présence du VAR derrière pouvait les confondre à chaque instant : le jeu est beaucoup plus correct aujourd’hui. Avec la percée au plus haut niveau mondial d’un Frank De Bleeckere, le management des relations arbitres-joueurs a aussi pris le bon chemin : le dialogue s’est instauré dans le sens d’un plus grand respect, et des arbitres comme Paul Allaerts et Sébastien Delferière ont embrayé dans cette voie. Après, il reste toujours le facteur émotionnel : j’ai aussi été joueur… "

Amélioration du sentiment de justice

A l’heure des enjeux grandissants, une prise de décision plus objective grâce à la technologie contribue à la sérénité dans les stades… voire à éviter des actes de violence dans les tribunes. Stéphane Breda : " On peut autant que l’on veut expliquer la règle aux joueurs sur le terrain, mais la présence d’images appuyant nos décisions apaise les tensions et les rouspétances. J’irais même plus loin : je suis partisan d’afficher les images de le VAR… sur les écrans géants des stades pour que le public soit inclus au débat ! Si on avait montré la fameuse ligne 3D, samedi soir sur les écrans de Sclessin, tout le monde aurait compris la difficulté de la situation... "

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LES CONTRE

Le VAR dénature le foot à l'ancienne

Technologie versus interprétation : c’est le grand dilemme éternel posé par le VAR. Stéphane Breda : " Les clubs ont voulu la VAR pour diminuer l’impact des erreurs humaines. Tout cela est fort bien, mais si on chronomètre une course de 100 m au millième de seconde et qu’on mesure un hors-jeu au centimètre, il faut aussi accepter… d’être battu pour la même marge minime ! On prend tout ou on rejette tout… "

Robotisation des arbitres

La présence de la technologie et la pression grandissante des enjeux financiers ont fait en sorte… que chacun se rejette la balle. Et qu’au final, tout dépend de la personnalité plus ou moins affirmée du décideur ultime : l’arbitre central. Stéphane Breda : " Les arbitres centraux se reposent de plus en plus sur le VAR et sur leurs assistants. Mais le règlement est ambigu : il dit que si l’image VAR n’est pas claire, on suit la décision de l’assistant… mais on dit aussi à l’assistant de ne pas lever son drapeau s’il a un doute légitime ! Au final, l’assistant est livré à lui-même et doit trancher au feeling… "

Manque d'équité due à la différence de matériel technique

C’est l’éternel souci des grandes affiches et des matches de moindre audience : l’opérateur TV n’installe pas partout le même nombre de caméras. Stéphane Breda : " Vous aurez 20 caméras à Anderlecht ou à Bruges… et 6 à Eupen : où est l’équité ? Il en découle clairement un VAR à deux vitesses…Sans compter la qualité parfois variable des images transmises vers Tubize. Vous avez aussi des différences de logiciels comme la Goal Technology utilisée à l’étranger. Sans compter la 3D qui fera qu’on jugera autrement un ballon au sol ou un ballon qui rebondit, comme sur l’action de Tarik Tissoudali sur la ligne de fond à Bruges-Gantoise… "

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LES REFORMES A MENER

Équipement optimal et équivalent pour chaque match

D’autant qu’avec les années, la pression technologique sera toujours plus forte. Dès le prochain Mondial au Qatar, on annonce déjà de nouveaux progrès de l’Intelligence Artificielle, où l’humain n’aura plus voix au chapitre en regard de la machine…

Uniformité dans la prise de décision

Si l’on veut protéger (et préserver pour l’avenir…) l’intervention humaine dans la prise de décision, il faut insister sur l’importance de l’uniformité : autrement dit, que d’un match à un autre, la décision soit identique pour une même phase. Stéphane Breda : " On est devenu chirurgical pour décortiquer, à l’image près, la présence d’un orteil sur une ligne de penalty ou un tirage de maillot dans les 16 mètres… mais encore faut-il que la sanction soit uniforme et universelle ! Lors du fameux pénalty de Bryan Ruiz que Sinan Bolat bloque, ce qui permet au Standard d’arracher les test-matches et plus tard le titre, l’arbitre ne bronche pas sur le fait qu’il sorte à 3 mètres de sa ligne… Sur l’interminable tirage de maillot sur le joueur de l’Union St-Gilloise à l’Antwerp, c’est pareil… alors qu’il y a le VAR aujourd’hui ! Où est l’uniformité ? "

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Prise en compte du contexte de la phase

En cas de doute persistant après l’application de la technologie, l’esprit du jeu pourrait prévaloir. Stéphane Breda : " Plutôt que de s’enfermer dans l’analyse impossible d’une ligne 3D tracée au millimètre, comme lors de Standard-Cercle, on pourrait examiner si le joueur tire véritablement avantage de sa position hors-jeu (ou pas). La règle existe déjà pour l’attaquant situé derrière la défense… mais dont on ne tient pas compte s’il ne participe pas à la phase : alors, pourquoi pas dans le cas de Moussa Sissako samedi ? Objectiver pour la ligne 3D une zone de tolérance sur, disons, 10 cm ne me semble pas pertinent car il y aura toujours débat si la phase se joue à 11 ou à 9 cm… et ce sera un foutoir monumental ! (sic) Je prônerais plutôt une règle d’interprétation liée à l’esprit du jeu, du type ‘en cas de doute raisonnable, on donne l’avantage à l’attaque’… Ou, comme on l’a dit, si le joueur tire véritablement profit de sa position pour aller marquer. "

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