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Le trumpisme n'est pas mort, il est même bien ancré au sein du parti républicain

© Getty

Par Victor de Thier

Et de huit ! Avec la défaite de Liz Cheney lors de la primaire républicaine dans le Wyoming - synonyme de perte de son siège au Congrès - huit des dix républicains qui avaient voté pour la procédure en destitution de Donald Trump en janvier 2021 sont aujourd'hui hors circuit. La moitié a tiré sa révérence sans concourir et l'autre moitié a perdu contre un candidat soutenu par l'ex-président dès les primaires organisées dans le cadre des élections législatives de mi-mandat en novembre prochain.

Preuve qu'il n'est pas bon de s'opposer à l'ancien président américain lorsqu'on est en quête de voix au sein du parti républicain... et que les négateurs des résultats de l'élection présidentielle de 2020 ont encore de beaux jours devant eux.

Le cas Liz Cheney

La défaite de Liz Cheney est certainement celle qui réjouit le plus Donald Trump, qui voit une des plus importantes voix dissidentes au sein de son parti écartée.

Depuis des mois, la fille de l'ex-vice-président Dick Cheney a pris la tête du combat parlementaire pour éviter un retour au pouvoir de l'ancien président en 2024. Mais surtout, elle copréside la commission d'enquête sur l'insurrection du 6 janvier 2021 au Capitole.

Extrait du JT du 17/08/2022

Trump dénonce sans cesse les travaux de cette commission. Pour cette raison, le 45e président des Etats-Unis s’était engagé à faire battre Cheney, élue de la Chambre américaine des représentants depuis 2016.

Il avait mis tout son poids derrière sa rivale Harriet Hageman, une avocate de 59 ans auprès de qui il est allé faire campagne fin mai, et victorieuse de cette primaire républicaine ce mardi.

L'ancien président Donald Trump prend la parole lors d'un rassemblement le 28 mai 2022 à Casper, dans le Wyoming. Le rassemblement est organisé pour soutenir Harriet Hageman face à son adversaire républicaine Liz Cheney.

Pour Pascal Delwit, professeur de sciences politiques à l'ULB, cette défaite franche et attendue de Liz Cheney dans l'Etat très conservateur qu'est le Wyoming illustre la marque laissée par le trumpisme au sein du parti républicain. "Les électeurs n'ont pas accepté qu'une des leurs participe à cette Commission et à cette collaboration parlementaire contre leur ancien président", estime-t-il.

"Si Trump lui-même a perdu de son aura, son idéologie et sa logique ont été reprises par la base électorale", confirme Tanguy Struye, politologue à l'UCLouvain.

L'élection présidentielle toujours remise en cause

L’investiture républicaine dans l’élection pour la Chambre des représentants pour le Wyoming ira donc à la protégée de Donald Trump. Cette dernière appuie notamment la théorie selon laquelle l’élection de 2020 a été "volée" à l’ancien président, et elle est loin d'être la seule.

Depuis le début de l'année, les primaires républicaines sont dominées par des candidats remettant en cause la victoire de Joe Biden.

"C'est un constat inquiétant", estime Pascal Delwit. "Cela veut dire qu'il n'y a plus de point commun accepté entre les démocrates et les républicains. La base même du système démocratique est remise en question."

Il va être difficile de sortir de cette logique.

Pour l'expert, cette situation risque de créer un dangereux précédent dans l'histoire politique américaine. "Donald Trump assure que s'il n'a pas gagné, c'est qu'il y a eu fraude. Il va maintenant être difficile de sortir de cette logique, d'autant plus qu'il est maintenant bien documenté qu'en 2020, son équipe a tenté d'interférer frauduleusement sur les résultats de l'élection".

Un parti républicain de plus en plus à droite

La défaite de Liz Cheney illustre également le virage à droite pris par le parti républicain, qui compte de moins en moins de centristes parmi ses membres. "Depuis 2017, les Républicains plus modérés tels que ceux présents au Sénat n'ont pas freiné la montée du trumpisme à des moments où ils pouvaient le faire. À présent tous les politiciens savent que s'ils vont contre la base, imprégnée de cette idéologie, ils perdront leurs électeurs, comme ce fut le cas pour Liz Cheney."

Par conséquent, l'aile plus centriste du parti - comme il y avait à l'époque notamment sur les questions économiques - n'existe plus. "Les républicains plus modérés ont disparu. Avec un parti démocrate qui, de son côté, tend de plus en plus vers la gauche, il devient très difficile de trouver un compromis", estime le politologue.

Liz Cheney prononce un discours devant ses partisans après le résultat des primaires, le 16 août 2022 à Jackson, Wyoming.
Liz Cheney prononce un discours devant ses partisans après le résultat des primaires, le 16 août 2022 à Jackson, Wyoming. © AFP

Trump 2024 ?

La situation politique actuelle aux Etats-Unis représente-t-elle un terreau fertile à une nouvelle candidature présidentielle de Donald Trump en 2024 ? Si Tanguy Struye ne doute pas de la volonté du magnat de l'immobilier de se représenter si ces déboires judiciaires le lui permettent, le politologue prédit aussi l'émergence de "nouveaux candidats trumpistes".

"Quelqu'un comme le gouverneur de Floride Ron DeSantis a le même discours que Donald Trump, sans traîner les mêmes soucis judiciaires derrière lui. Si une primaire devait avoir lieu entre ces deux-là, la bataille sera assez dure étant donné que les deux hommes joueront sur le même terrain."

Pascal Delwit de son côté se montre prudent sur une éventuelle candidature de Trump en 2024. "Les élections de mi-mandat qui arrivent en novembre vont être un signal important. Si les démocrates font de meilleurs résultats que prévus, cela voudra dire que la stratégie de polarisation de Trump a des limites. Les Républicains vont être très attentifs à cela ainsi qu'aux sondages pour déterminer leur candidat à la prochaine élection présidentielle".

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